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Suite et fin de notre interview avec Elodie Thomis. Aujourd’hui cameraman à son compte, elle nous parle cette fois de son après carrière et du regard qu’elle porte sur le football féminin actuel.
Tu es une jeune retraitée depuis la fin de saison dernière (2018). Est-ce que tu as vu cette fin de carrière arriver ?
Oui, en fait au moment où j’ai signé mon dernier contrat avec l’OL, je savais que c’était le dernier. J’étais très contente de le signer parce que j’arrivais sur ce que j’avais prévu pour moi dans ma vie, dans ma tête j’ai commencé à lâcher et ainsi de suite. Je jouais au foot, j’étais sous contrat je faisais mon travail et je suis restée professionnelle mais il n’y avait plus cette étincelle. Je commençais déjà à avoir d’autres ambitions.
Tu conseilles à une jeune d’anticiper sa fin de carrière comme tu l’as fait ?
Carrément et même pas vers la fin, un peu avant même. Moi j’ai commencé vers 24 ans ou 25 ans. C’est trop important, « Mamie » (Wendie RENARD), elle sait qu’il faut se préparer. Les petites, Mylaine (TARRIEU), Emelyne (LAURENT), je leur dis, il faut qu’elles se préparent. Je parlais avec une maman qui s’inquiétait pour l’avenir de son enfant, je ne comprenais pas son inquiétude mais c’est maintenant que je vois. Tu vis un truc de ouf, tu gagnes des trophées, de l’argent mais la vraie vie, c’est après le foot. Si tu n’as pas un équilibre, comment tu fais ? Tu es assisté comme un bébé, on t’habitue au confort, jusqu’à laver tes culottes. Quand tu rentres dans la vraie vie comment tu fais ? Les clubs ne sont pas là pour materner, ils sont là pour avoir du résultat. Ils n’ont pas le temps de s’occuper de ça et de faire de la prévention alors que c’est vraiment important. En plus, quand tu es footballeuse, tu as le temps même si à l’OL il y a des avantages et des inconvénients. Elles font des compétitions jusqu’en final minimum, presque toute l’équipe est en sélection donc beaucoup d’allers-retours, de fatigue. Ce n’est pas facile, quand tu as du temps tu veux te reposer ou essayer de voir ta famille et encore il faut trouver le bon moment mais à un moment donné il faut se forcer. Moi j’ai fait un stage de quatre ans à l’OL j’ai pris sur mon temps pour y aller malgré les obligations et la fatigue.
Quelques mots sur l’équipe de France, 141 sélections. Qu’est-ce que ça a représenté pour toi tout au long de ta carrière ?
C’est à l’image de mes débuts, c’est arrivé tellement tôt que je me suis rendu compte de ce que j’avais fait quand j’étais sur la fin. Pour moi, l’équipe de France, c’était comme en club, j’y allais mais je ne dissociais pas les deux. Je n’avais pas réellement conscience de ce que ça représentait pour les gens, j’étais là je faisais ce que j’avais à faire et voilà. Il y en a qui ne vivent que pour ça, qui sont déçues si elles ne sont pas sélectionnées. Je ne vais pas dire que j’ai eu la chance d’y être parce qu’on n’y va pas comme ça il faut le mériter c’est sur la durée. Je suis fière d’avoir joué pour l’EDF, d’avoir fait tout ça.
La coupe du monde 2019 aura lieu en France, tu ne regrettes pas de ne pas prendre part à cette aventure ?
Pourquoi parce que c’est en France ? Non (rires). J’en ai fait et peu importe l’endroit ça reste une coupe du monde. Je ne regrette pas du tout sinon je me serai donné les moyens de continuer mais non, je ne les envie pas du tout. La pression qu’elles auront les filles-là, je ne veux plus de pression moi (rires).
Depuis le début de saison, on a passé un cap au niveau de la médiatisation du foot féminin. N’aurais-tu pas aimé profiter de cette exposition et de cette reconnaissance ?
Toi qui as suivi ma carrière, est-ce que j’ai l’air d’être quelqu’un qui aime être exposé ? (rires). Ça ne m’intéresse pas d’être exposée. Je me dis aussi que ma génération a donné, on a fait tout un travail. Si les petites là, les TARRIEU, LAURENT et même Wendie (RENARD) parce qu’elle est jeune encore. Si toutes ces filles-là ont ça aujourd’hui, c’est parce qu’avant il y a eu des joueuses qui ont travaillé pour ça. Au début, moi j’ai connu l’époque où il fallait payer la licence, les chaussures et tout le reste. On allait jouer dans les crottes de lapin avec l’équipe de France même en ayant le statut de haut niveau. J’ai vraiment vu l’évolution, c’est fou. Elles, elles doivent tenir le flambeau et continuer.
-Tu n’as pas vécu en Martinique mais à ce jour quel est ton attachement pour ton île ?
J’ai vécu en Martinique aux Terres Sainville, je suis des Terres Sainville moi, vous croyez quoi ? (rires) Personne ne le sait mais j’y suis resté pendant 6 ou 7 ans. On a fait la navette avec mes parents et on s’est posé en Métropole ensuite. Je suis née en Métropole mais mes frères ont eu la chance de naître là-bas. Ma mère, a eu deux enfants en Métropole et deux enfants en Martinique, ça ne se fait pas (rire) ; mes frères se la racontent. Une bonne partie de ma famille est là- bas.
Aimerais-tu t’investir dans le football local ?
Déjà quand j’étais dedans je n’étais pas dedans alors… (rires) Ça va être dur mais si on me sollicite pour voir des matchs, participer à des événements, il n’y a pas de soucis je peux le faire. Je sais aussi comment ça se passe là-bas, il y en a qui jouent le jeu et d’autres qui ne le font pas c’est un peu compliqué. Par exemple, cette année j’ai participé avec Leslie ARDON à la première édition des « Martinique summer games », elle voulait des footballeuses pros, elle a contacté la ligue de Martinique mais elle n’a pas reçu beaucoup de soutien. Personne n’a bougé alors qu’il y a un événement qui nécessitait leur participation. Je trouve ça dommage. À un moment, il faut se poser les bonnes questions, si les gens ne jouent pas le jeu, il ne faut pas venir dire après « on n’arrive pas à développer le football ». On tend des perches et personne ne les saisit. Comment veux-tu développer le football ? Tout ça alors que tu as de plus en plus de petits qui veulent percer. Ils se contentent de ce qu’ils ont et c’est dommage.
Ton conseil pour un jeune qui souhaite se lancer dans l’aventure ?
Avant le foot, il y a la scolarité. C’est important parce que si ça ne fonctionne pas il faut qu’il ait, je n’ai pas envie de dire une roue de secours, mais oui. Il faut à la limite que le foot soit la roue de secours et non l’inverse. Un garçon, demain s’il a du talent, qu’il trouve un bon club, il pourra s’en sortir s’il est intelligent et bien entouré mais pour une fille, ce n’est pas la même chose. Tu peux avoir une belle carrière, la plus belle qui soit mais il faut qu’à côté il y ait des ambitions professionnelles très importantes. Ne pas se contenter que du football.
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