
Après avoir débuté le foot à l’âge de six ans à l’Aiglon du Lamentin pour suivre les traces de son père lui-même footballeur, Manuel CABIT poursuit son chemin. Il passe par le Santana Club (Saint-Anne MQ) jusqu’à l’âge de 14 ans avant d’être repéré par le FC Sochaux-Montbéliard lors de la Coupe Nationale avec la sélection de Martinique. Il s’envole vers l’Hexagone pour trois ans de formation, le début d’un parcours qui lui permettra de réaliser son rêve : devenir footballeur professionnel.
-Manuel, parle-nous de ton arrivée au FC Sochaux-Montbéliard (2007).
-C’est à Sochaux que j’ai découvert le monde professionnel. Ça changeait de la Martinique parce qu’il faisait froid, j’étais tous les jours aux entraînements, jusqu’à deux fois par jour. Ça s’est bien passé, j’ai effectué trois ans là-bas. Ma première année s’est très bien passée, pareil pour la deuxième où j’ai été champion de France U17. La troisième année, il y a eu un changement de coach et j’ai trouvé qu’il ne me faisait plus trop confiance. On va dire que mes performances sont devenues moyennes, pas mauvaises mais moyennes. J’étais en fin de contrat, ils ne m’ont pas prolongé.
-Tu as ensuite connu trois clubs amateurs avant la signature de ton premier contrat professionnel.
-J’ai joué au FCM Aubervilliers (CFA) pendant un an. Ensuite je suis allé à l’ASM Belfort (National) durant un an et demi puis je suis parti à l’AS Béziers (National). En fait, j’ai toujours voulu être pro, du coup même en étant en amateur, je n’ai jamais abandonné l’idée. J’ai toujours tout fait pour y arriver en faisant passer le foot avant tout. J’ai fait des études mais je ne vais pas mentir, j’ai toujours fait passer le foot avant. J’étais amateur mais j’étais quand même payé. Le seul problème, c’est que j’avais un entraînement par jour, le soir et encore, ce n’était pas tous les soirs. Sinon je vivais normalement, j’y ai cru et j’y suis arrivé, c’est ma plus grande fierté.
-Ne regrettes-tu pas de ne pas avoir été dans un club professionnel tout de suite après ton passage à Sochaux ?
-Je ne regrette pas du tout parce que ça m’a beaucoup appris, surtout mentalement. Tous les joueurs avec qui j’ai évolué en amateur ou en CFA travaillaient. Le matin, ils se levaient pour aller travailler et le soir, ils venaient à l’entraînement. Le fait de voir qu’ils venaient jouer au foot par passion, ça me permettait de relativiser. Maintenant je ne me prends plus la tête, je peux avoir n’importe quel problème, je ne me plains pas, je prends. Je peux avoir une blessure demain, le fait de repenser à ce par quoi je suis passé, ce que j’ai vécu, les gens que j’ai connus qui étaient dans la galère… Je ne me plains pas. Je ne regrette pas du tout, ça m’a servi pour la vie de tous les jours. Peut-être que je n’aurais pas vu les choses comme ça si j’avais signé pro tout de suite après Sochaux. J’aurais été un joueur pro certes mais je n’aurais pas vu la vie de la même façon. Peut-être qu’à chaque défi, je ne me serais pas relevé, je me serais plains tout le temps. Maintenant j’arrive à relativiser, à voir les choses d’une autre façon, ça m’a beaucoup servi.
-Qu’est-ce que le monde pro t’a apporté de plus ?
-J’ai enfin réalisé mon rêve en signant mon contrat professionnel avec l’AC Ajaccio en 2016. Forcément, c’est une grande fierté et un aboutissement, j’ai beaucoup travaillé pour en arriver là. Ce qui a changé, c’est que je suis beaucoup plus connu maintenant. Parfois quand je rentre en Martinique, on me dit « je t’ai vu à la télé ! », on me demande des maillots, des photos… Ma vie a un peu changé même si je reste toujours le même. Au niveau de mon jeu, j’ai beaucoup progressé tactiquement parce qu’en Ligue 2 ça va quand même assez vite. C’est un bon championnat. J’ai joué une cinquantaine de matchs en pro donc plus j’ai plus d’expérience. J’arrive à mieux gérer les matchs entre-temps forts et temps faibles.

-Avec l’ACA, vous avez touché du doigt la montée en L1 lors des barrages la saison dernière (2017-2018). Quel souvenir gardes-tu de cette épopée ?
Je ne garde que du positif de cette saison-là. Certes on n’a pas réussi à monter en Ligue 1 mais franchement, c’était une belle saison que ça soit au niveau des émotions ou du sportif… On a vécu vraiment de très beaux scénarios, des buts à la 90ᵉ ou à la 95ᵉ minute. Ça restera une de mes plus belles saisons, je pense même que c’est ma plus saison à ce jour. Après on est tombé sur une belle équipe de Toulouse FC, on n’a pas réussi à passer. Il ne faut pas oublier qu’on avait beaucoup de joueurs blessés ou suspendus, en plus on a joué le match aller à huis clos à Montpellier… Bon, je ne vais pas revenir dessus mais c’est vrai que la saison a été belle.
-Après être passé aussi près de l’objectif (la montée), qu’est ce qu’on attend de la saison suivante ?
On a voulu faire pareil voire mieux que la saison dernière. Pour l’instant, cette saison est plus compliquée, on a peut-être toujours la tête à la saison dernière… Je pense qu’on n’a pas la même détermination qu’on avait l’année dernière même si on a perdu trois ou quatre joueurs cadres. Pour l’instant, c’est comme ça mais on va essayer de faire mieux et penser à assurer le maintien rapidement. Mes objectifs personnels seraient de faire aussi bien que la saison dernière et pourquoi pas, marquer mon premier but en pro (rires).
-Serais-tu ouvert à une sélection avec la Martinique ou l’équipe de France ou est-ce que tu penses qu’il est trop tard pour toi ?
-Alors franchement l’équipe de France, je n’y ai jamais pensé. Certes, je suis quelqu’un d’ambitieux mais ce n’est pas quelque chose qui m’attire forcément. Jouer pour la sélection de Martinique ? J’ai déjà été approché pour participer à la Gold Cup mais le club n’a pas voulu. Cette année, je vais essayer d’appuyer quand même pour que le coach puisse me laisser partir et participer aux qualifs de la Gold Cup.
-Est-ce que tu comprends pourquoi les clubs ne veulent pas vous laisser partir en sélection ?
-S’ils ne veulent pas nous laisser partir, en tout cas pour Ajaccio, je ne sais pas pour les autres clubs ; c’est vraiment par rapport à la distance. Le fait de faire 8:00 d’avion, d’avoir le décalage horaire, jouer le match, reprendre l’avion pour 8:00 et encore décalage horaire… Le club craint surtout la blessure par rapport au décalage horaire, la fatigue accumulée… C’est vraiment par rapport à ça qu’ils disent non.
-Gardes-tu un œil sur ce qui se passe au niveau du football local ?
-Oui je suis toujours les résultats des matchs, si je ne me trompe pas, c’est le Club Franciscain qui est premier au classement en R1. J’ai aussi regardé le match de coupe de France de l’Aiglon du Lamentin face à Sainte-Geneviève (NDLR : match remporté par l’Aiglon du Lamentin qui s’est qualifié pour les 32ᵉ de finale de Coupe de France). J’ai toujours des amis là-bas comme Jean-Manuel NEDRA, Garry BOCALY ou Ambroise FELICITE donc oui, je les ai regardés jouer.
-Qu’est-ce que tu pourrais dire aux joueurs de l’aiglon qui vont bientôt disputer ce 32ᵉ de finale face à l’US Orléans ?
-Je leur dirais que dans le foot tout est possible, surtout en coupe de France. On voit beaucoup de petites équipes qui éliminent les plus grosses. Même si ce sont des professionnels, s’il faut, leur marcher dessus, il ne faut pas avoir peur de le faire. Surtout, il faut y croire et tout donner.
-En parlant de martiniquais, Emerick Sébastien* évolue dans le même club que toi, est ce que tu peux dire que tu as un rôle de grand frère auprès de lui ?
Oui, c’est sa première saison à Ajaccio, je ne le connaissais pas avant, il est très sympathique. On peut dire que j’ai ce rôle de grand frère puisque je suis plus âgé, ça fait trois ans que je suis à Ajaccio donc je sais ce qu’il faut faire ou pas. Il sait qu’il peut venir me voir s’il a besoin d’aide et que je lui donnerai des conseils.
-Quel serait ton conseil pour un jeune qui souhaite débuter ce parcours qui mène à la vie de footballeur pro ?
-À un martiniquais ou à un antillais de manière générale d’ailleurs, je lui dirais de ne jamais rien lâcher. J’ai signé mon premier contrat pro à 23 ans alors que normalement tu le signes entre 18 ans et 20 ans. Je suis passé par le monde amateur, j’y ai toujours cru même dans les périodes difficiles.