
C’est aux cotés de ses proches que Jordy DELEM a débuté le football à l’âge de cinq ans. Âgé de 25 ans, il évolue actuellement au club de Seattle Sounders FC en Major League Soccer (USA). Avant de poser ses valises aux États-Unis, il a dû s’accrocher à ses rêves et affronter quelques difficultés afin d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé : devenir footballeur professionnel.
Comment parler de Jordy DELEM sans parler du Club Franciscain ?
Pour faire simple le Club Franciscain c’est l’essentiel de ma carrière, dès mon plus jeune âge jusqu’à mon départ. Il représente tout mon apprentissage. J’y ai commencé à cinq ans côtoyant différents entraîneurs qui m’ont tous apporté un plus et permis chaque fois de franchir un palier. En argumentant j’ai une pensée particulière pour Mr R. MONGIN. Il a été le premier coach à me faire voyager régulièrement au cours de ma jeunesse et par la même occasion à me permettre de découvrir le football à l’extérieur de la Martinique. Une pensée également pour M. CIVAULT qui a su me faire confiance à son arrivée au Club Franciscain ; Il m’a permis de développer mon potentiel et probablement de devenir en partie ce que je suis aujourd’hui … Avec ce club, j’ai pratiquement tout gagné… C’est d’ailleurs après notre belle épopée en Coupe de France face au FC Nantes que je me fais repérer par Arles Avignon.
-Peux-tu nous parler de cette campagne de Coupe de France avec le Club Franciscain ?
Ce moment fait partie des plus beaux souvenirs de ma vie. Ce fut quelque chose d’exceptionnel, déjà parce que nous avons été le premier club martiniquais (ou peut-être antillais, pas sur) à réaliser l’exploit d’arriver aux 32ᵉ de finale. Aussi parce que pour nous joueurs amateurs, ça a été l’occasion de se mettre dans la peau d’un professionnel. Chaque tour passé nous donnait envie d’aller plus loin afin d’en découvrir plus. Derrière tout cela il y avait aussi une certaine ferveur des supporters, du staff, de tout le peuple martiniquais, c’était assez impressionnant. Malheureusement, nous avons perdu contre Nantes, mais le fait d’avoir joué là-bas a laissé une bonne expérience et de bons souvenirs à chacun. Personnellement j’ai fortement apprécié cette épopée et j’aurais bien aimé vivre à nouveau des moments comme ceux-là.

Suite à cela, tu es repéré par l’Athlétic Club Arlésien (ACA) en janvier 2015. Comment s’est passé ton adaptation ?
-Grâce à de formidables personnes au club et notamment à mon très bon ami Johnny MARAJO que j’ai rencontré là-bas, j’ai pu avoir une rapide et bonne adaptation. Mon départ à Arles représentait pour moi un pas en avant vers une carrière professionnelle… Arrivé là-bas je me suis rapidement senti à l’aise, non seulement grâce à la présence de Johnny mais aussi parce que j’ai ressenti la volonté du personnel, du staff et du club de vouloir bien m’intégrer et me faire progresser.
Au niveau du rythme de vie, des entraînements ou de l’extra sportif ça se passait bien. Ils ont tout mis en place avec leurs moyens pour nous aider à être bien encadrés. Je venais d’avoir mon BTS mais n’ayant pas la filière que je voulais suivre par la suite, ils m’ont quand même proposé un BPJEPS* afin d’occuper mon temps libre. On va dire que la plus grande difficulté rencontrée a été la liquidation judiciaire du club…
Cette liquidation judiciaire du club met un frein à tes ambitions. Qu’est-ce que tu te dis à ton retour en Martinique ?
-e n’ai pas continué malheureusement car après la descente du club (de Ligue 2 en National), il y a eu différents problèmes qui ont mené l’ACA au dépôt de bilan. Après Arles, j’avais quelques propositions mais rien de bien sérieux pour me faire rester. À mon retour au pays, étant déçu j’avais abandonné l’idée de devenir footballeur professionnel. À cet instant, je retourne au Club Franciscain histoire de ne pas rester inactif puisque j’aime le foot, je décide de continuer en tant que simple loisir. J’avais entre-temps décidé de reprendre plus sérieusement les études. Ça a vraiment été un moment difficile de me dire que j’étais si proche et qu’au final je devais abandonner cette idée de devenir pro. Mais après avoir échangé avec mes proches et remis ça entre les mains de Dieu, j’ai su y faire face. J’ai tout laissé entre ses mains et ce qui devait arriver arriva…
-Arrive ensuite le Seattle Sounders FC, comment as-tu été repéré par le club ?
-En janvier 2016, il y a eu une détection organisée par la MLS avec la présence des deux meilleurs joueurs nés en 1993 de pratiquement chaque pays de la Caraïbe. Le but était pour l’heureux élu de participer à la détection finale aux USA quelque temps après… Mr GERME et Mario BOCALY que je remercie par la même occasion, m’ont alors contacté avec quelques autres joueurs locaux afin d’y participer. Cette détection était organisée par la coach de l’équipe réserve de Seattle. Dans un premier temps, je fus le second choix mais malheureusement pour lui, celui qui devait partir ne pouvait plus. Je devenais logiquement le suivant à devoir partir et encore mieux à signer directement à Seattle à la demande du coach.
-Comment s’organise ta vie aux États-Unis ?
Ma vie ici est plutôt tranquille, comme une vie de footballeur professionnel (rires). Là encore j’ai rencontré de formidables personnes, coéquipiers et staff également. Mais mon adaptation a surtout été vite et bien faite grâce surtout à Djimy TRAORÉ qui fait partie du staff. Ici aussi le club a tout mis en place pour que je me sente bien. On s’entraîne le matin et nous sommes libres l’après-midi. Même si j’avais les bases depuis l’école, j’ai eu la chance d’avoir eu un professeur d’anglais mis à ma disposition, chose qui m’a beaucoup aidé. Maintenant grâce à ça je me sens bien j’endosse également assez souvent le rôle de traducteur pour l’un de mes coéquipiers (rires).
-Tu as connu le football en France et aux États-Unis, quelles comparaisons peux-tu faire entre les deux à ce jour ?
– Pour le moment ce n’est pas vraiment évident de comparer, car en France, c’est le sport dominant que la majeure partie des gens aime alors qu’aux États-Unis ce n’est pas le sport dominant et loin de là. Cependant, je pense que ça devient de plus en plus attractif avec logiquement de meilleurs joueurs qui arrivent. Ce qui fait qu’au final le championnat devient plus intéressant et d’un niveau croissant. La mentalité concernant le foot ici est encore différente par rapport à la France. On peut le voir par rapport à la gestion globale et à la forme du championnat. Cependant, ça reste les USA, donc les infrastructures restent d’un bon, même très bon niveau pour certains clubs.
Est-ce que tu penses que la MLS peut-être un tremplin ou une autre option pour les jeunes antillo-guyanais qui ne parviennent pas à s’imposer en Europe ?
Oui bien sûr que ça peut être un tremplin, car ça reste un championnat professionnel compétitif qui permet de développer son potentiel et qui est de plus en plus regardé maintenant.

-Quelques mots sur la sélection de Martinique (Matinino) que tu fréquentes régulièrement.
La sélection représente déjà le summum du football martiniquais donc en faire partie, c’est un privilège. On se doit de bien figurer et de rendre la confiance donnée. Avoir le statut d’international en MLS te donne un petit plus, c’est une chose respectée ici et cela quelle que soit la sélection représentée. De plus, les clubs ont l’obligation de libérer les internationaux pour leurs différents matchs, c’est une chose notable et appréciable car en France les Martiniquais rencontrent souvent des difficultés à ce niveau. Les clubs sont souvent en adéquation avec les sélections pour les différents déplacements et n’hésitent pas à proposer leurs services si urgence il y a. En ce qui concerne les objectifs ils restent les mêmes ; c’est-à-dire se qualifier pour la prochaine Gold Cup dans un premier temps puis avec la nouvelle formule, c’est évidemment aller le plus loin possible.
Quels sont tes objectifs à ce jour ?
À court terme, bien finir la saison et remporter le championnat. À long terme, j’espère pouvoir m’imposer dans la durée que ce soit ici ou ailleurs.
Pour conclure, quel serait ton conseil pour un jeune joueur qui souhaite se lancer à la conquête du monde professionnel ?
Si l’on se fixe des objectifs, c’est de toujours se battre, se donner les moyens pour y arriver, car rien n’est facile dans la vie, mais le travail assidu et l’acharnement finissent toujours par payer. Surtout ne pas se laisser déstabiliser par les échecs, car il y en aura toujours !
* BPJEPS : Brevet professionnel de la jeunesse de l’éducation populaire et du sport.