

Brighton LABEAU est un jeune martiniquais âgé de 25 ans né à Aubervilliers. C’est à Bretigny qu’il a été repéré par l’AS MONACO alors qu’il était encore très jeune. Depuis, il a poursuivi son chemin en France, en Roumanie, en Belgique et en Suisse où il évolue actuellement. Portrait d’un joueur pour qui tout n’a pas été simple, mais qui a su persévérer pour vivre de sa passion.
Brighton comment débute ton rêve de devenir footballeur professionnel ?
Quand j’ai commencé à jouer à Brétigny, ça a été très vite. C’est un club réputé de la région parisienne qui est en partenariat avec l’AJ Auxerre, club qui était intéressé par moi très jeune. Monaco s’est présenté en benjamin, j’ai signé un contrat ANS (NDLR : accord de non-sollicitation) avec le club en 2008. Monaco avait la priorité sur moi jusqu’à ce que j’aie l’âge de rentrer en formation. D’autres clubs s’étaient manifestés aussi comme Sochaux, Bordeaux et même des clubs étrangers comme Manchester City ou Aston Villa.
Comment ta famille et toi avez-vous géré cet intérêt très précoce de Monaco et de ces autres clubs ?
Quand l’intérêt se présente aussi jeune, il faut que les parents soient assez disciplinés. Il ne faut pas qu’ils tombent dans l’euphorie. C’est le rêve pour beaucoup de parents et d’enfants. Au moment où Monaco s’est présenté, il y avait un vif intérêt d’Auxerre qui est aussi un très bon centre de formation. Mes parents ont pris plusieurs critères en compte avant de choisir Monaco comme la qualité de vie que j’aurais pu avoir. Quand tu pars en centre de formation, tu es seul, tu n’as plus tes parents. Les miens ont fait le choix de me laisser partir seul pour faire mon petit bonhomme de chemin. Ils avaient la possibilité de venir me voir assez souvent. Ils ont aussi fait le choix par rapport à la scolarité. C’était très important pour ma mère de connaitre le niveau scolaire du club. Au final le mieux c’était Monaco pour toutes les raisons citées. Mes parents m’ont aussi laissé le choix de décider où je voulais aller. Partir à Monaco, c’était aussi ma décision.
Les attentes de tes parents ont-elles été satisfaites ?
Ils ont été très satisfaits ! Niveau scolaire ça s’est plutôt bien passé jusqu’à ce que je devienne majeur (rires) ! Niveau football ça s’est bien passé parce qu’à la fin, j’ai quand même signé mon premier contrat pro à Monaco. Pour eux, c’était un aboutissement même si c’était moi qui signait, ils étaient aussi récompensés pour tous ces efforts.
Parlons de ces années de formation à l’AS Monaco.
Je suis arrivé le 1er aout 2011, pour le premier entrainement on était tout en bas à Monaco, vers la plage. Nous sommes montés à pied à la Turbie (centre d’entrainement) dans les hauteurs. C’était la petite marche de bienvenue. Je ne vais jamais oublier ça ! Ma première année a été très compliquée. J’ai connu une blessure assez tôt cette année-là, ça m’a empêché de faire les sélections France. Ça a aussi été compliqué dans l’adaptation. Tu sors d’un endroit où tu étais “la vedette” et tu arrives dans un nouveau club où il y a beaucoup de joueurs de talent qui ont le même objectif que toi… Ça crée de la concurrence, tu sens que tu as le niveau, mais en même temps, il y a des choses qui ne vont pas dans ton sens. Les formateurs sont différents, ça a été compliqué avec un formateur en particulier. Mon père l’avait appelé pour savoir ce qu’il se passait, il lui avait dit clairement : “Votre fils n’est pas un footballeur, avec le corps qu’il a, il devrait faire de l’athlétisme ou du basket”. Quand mon père m’a appris ça, ça a été une sorte de motivation.
Comment se sont passées les années suivantes ?
Ça a été, j’étais plus intégré. Tu finis par t’habituer au manque des parents, tu sais pourquoi tu es là. Tu trouves le rythme par rapport au fait d’aller à l’école et de jouer au foot tous les jours. Les gens pensent surtout que les footballeurs gagnent beaucoup d’argent, mais ce qu’on est amené à faire aussi jeune, il faut le faire et ce n’est pas donné à tout le monde. Beaucoup échouent à la fin. Quand tu rentres dans un centre, tu signes un contrat aspirant de 3 ans le plus souvent. Ça veut dire que tu n’as que 3 ans pour montrer que tu peux aller plus haut. Au bout de 3 ans beaucoup rentrent chez eux, ce qui veut dire que tu perds 3 ans de ton adolescence. Pour moi ça s’est bien passé j’ai commencé à jouer, à marquer, j’ai gravi les échelons. Je crois même qu’au bout de ma 2ᵉ année, j’ai joué mon premier match en CFA (N2) contre Bézier. J’avais 16 ans, ce sont de beaux souvenirs.
Tu n’as pas eu à traversé un océan pour vivre cette aventure, mais tu as aussi connu difficultés. Penses-tu que ton parcours a été similaire à celui d’un joueur venant des DOM-TOM ?
Effectivement je n’ai pas grandi ou vécu en Martinique, mais mes parents sont nés là-bas. Quand j’étais plus jeune, j’y allais chaque année, j’ai été élevé comme un martiniquais du péyi. Par conséquent, comme pour un martiniquais, j’ai eu quelques difficultés liées à ça. J’ai eu une culture et une éducation martiniquaise, ça veut dire par exemple, que je n’écoutais pas de rap, j’écoutais de la dancehall… Ça faisait rire, je me sentais un peu à part. Il y avait aussi la distance et la séparation avec les parents même si ce n’était pas 8000 Kms. J’étais aussi loin de chez moi, seul, à vouloir réaliser mon rêve. Je vais dire que mon parcours a eu des similarités avec celui d’un insulaire, mais c’est quand même plus difficile pour un insulaire. Ce qui doit être le plus difficile pour un martiniquais, c’est le climat, l’accent, la façon de s’habiller. Moi, en venant de la région parisienne, je n’avais pas certains de ces problèmes-là, j’étais déjà habitué. En plus, sur Paris, il y avait de la diversité donc j’ai pu m’adapter assez rapidement à la vie à Monaco
Revenons à la fin de ton passage à Monaco. Qu’est-ce que ça ressentait pour toi de signer ton premier contrat professionnel à 20 ans (2016) ?
C’était un premier aboutissement, tu te dis que tu as réussi une partie de ce long et dur chemin. Signer un contrat pro sur 5 ans de formation ce n’est pas donné à tout le monde. En 2015, avant de signer mon contrat, en début de préparation, je devais reprendre avec les pros, faire quelques entrainements. Mais j’ai eu une grave blessure : nécrose de la tête fémorale gauche. J’étais écarté des terrains pendant 6 mois. Quand je suis revenu en janvier, il me restait 6 mois avant la fin de saison. Je me suis dit “Brighton tu as 6 mois pour signer ton contrat pro”. J’arrive à revenir et faire une bonne deuxième partie de saison. Il y avait des discussions pour me faire signer 3 ans, mais je ne voulais pas. Le groupe qu’il y avait à cette époque-là était stratosphérique, il y avait aussi une nouvelle dynamique instaurée par le club. Je sentais que j’avais peu de chance de jouer. J’ai signé un an au final j’ai bien fait, car je n’ai pas beaucoup joué en CFA.
Tu rebondis donc à Amiens.
Je fais mes débuts en L1 avec Amiens contre le PSG au Parc des Princes. J’ai fait 2 entrées et pour je ne sais quelle raison, le coach de l’époque a décidé de me mettre de côté. À ce moment-là, je n’avais pas les personnes qui auraient pu appuyer sur le fait que j’avais les qualités pour avoir ma rotation dans le groupe. Au final ça ne s’est pas passé comme j’avais souhaité. Après mon parcours a été compliqué, je suis partie en prêt en janvier à Créteil. Le club était en difficulté à ce moment-là. Quand je suis revenu à Amiens, on m’a dit que ce que j’avais montré en prêt n’était pas suffisant. J’estime que je ne pouvais pas faire beaucoup plus vu la position de Créteil à cette époque-là. J’ai été prêté à nouveau à Villefranche en Beaujolais et j’ai fait une saison presque complète.
Comment gères-tu cette période-là mentalement ?
À 21 ans, tout ce que tu dois te dire, c’est “ne lâche pas, car si tu lâches, tu peux très vite te retrouver hors du circuit”. Ça va très vite dans les deux sens, tu peux te retrouver à perdre ton statut pro en 2 ans. Une fois que tu perds ce statut pro, c’est dur. C’est tout ce que je voulais éviter. J’ai connu ces problèmes-là aussi, car je trainais avec certaines personnes qu’il ne fallait pas. Il y avait aussi des problèmes internes au sein du club. Tout cela fait que je me suis retrouvé au milieu de pleins de problèmes alors que mon seul souhait était de jouer au football. Concrètement, j’ai essayé de ne pas me blesser, d’être toujours optimiste, de jouer mon football et continuer à me battre. Ce n’était pas facile, car tu sais que tu as le niveau pour tout ça, mais on ne te donne pas ta chance.
Selon toi qu’est-ce qui empêchait ta progression ?
Ce qui me manquait, c’était des stats. Depuis très longtemps je suis focalisé sur l’intérêt de l’équipe. Je me disais que les stats allaient venir après pour moi. Mais le football d’aujourd’hui ce n’est pas ça. Tu peux jouer aussi mal que tu veux, mais si tu mets un doublé à la fin du match les gens sont heureux. Ils s’en moquent que tu balades toute la défense si tu n’as pas de stats, de buts pour un attaquant. C’est ce qui m’a beaucoup fait défaut en National. À Villefranche, je faisais de bonnes perfs, mais je n’avais pas les stats attendues.
À la fin de cette période compliquée tu t’envoles pour la Roumanie.
J’ai quitté Amiens, j’avais des pistes en National, mais je pouvais perdre mon statu pro. J’en avais aussi L1 mais ça n’a pas abouti. J’ai décidé de tenter l’aventure à l’étranger, car je voulais voir autre chose que les championnats français. Je suis parti en Roumanie au Rapid Bucarest et ça s’est plutôt bien passé. Je me suis bien intégré, c’est un pays de foot. Ça m’a permis rejouer de retrouver mon amour pour le football, de découvrir beaucoup de choses en terme footballistique ou de mentalité. C’était très différent de la France. Au niveau des stats c’était un peu compliqué, mais ça ne m’empêchait pas de faire de grosses performances. Ça m’a ouvert pas mal de porte à l’étranger. Je ne suis pas déçu de ce choix ! Ce qui a un peu faussé ma saison, c’est le covid, en mars 2020, il n’y avait plus de match. À la reprise du championnat, j’ai fait des playoffs avec eux, on a fini 3ᵉ. Ça s’est bien passé, mais au final, je ne suis pas monté avec cette équipe donc j’ai décidé de mettre fin à ce contrat.
Tu décides donc de partir en Belgique.
Oui, mais avant d’y aller j’ai connu une péripétie. Je devais signer en Finlande début aout à Kups. J’arrive là-bas et on fait le nécessaire pour que ma licence soit validée rapidement. Je fais mon premier entrainement et après cela, c’était le départ pour les préliminaires de la Ligue des Champions. Je vois qu’on ne me dit rien… Ce qui s’est passé, c’est que le docteur du club a constaté que ma visite médicale n’était pas bonne, car je ne pouvais pas jouer sur synthétique à cause d’une blessure passée. Au final on m’a dit de partir au bout d’une semaine, transfert annulé, comme ça !
À quel moment l’Union SG se présente ?
L’Union m’avait déjà appelé pour me recruter, le coach recherchait un joueur de mon profil. J’avais refusé, car je devais signer en Finlande. Mais au final, j’ai atterri en Belgique et je vais dire que rien ne se fait par hasard. Je me suis assez bien intégré dans l’équipe, j’étais un élément important même si j’étais remplaçant à la base. Ça ne m’a pas empêché de faire une très bonne saison, j’ai passé des moments formidables. On a été sacré champion, on est monté en première division. Je devais prolonger, mais à cause d’un désaccord contractuel ça ne s’est pas fait. Je ne vais pas dire que j’ai des regrets, car il ne faut pas en avoir, mais ça m’embête quand même d’avoir du quitté ce club. Je m’y sentais vraiment bien. Mais à 25 ans, il faut faire les bons choix. J’ai privilégié la stabilité et la garantie de jouer. Ça fait trop longtemps que je vis comme ça, dans l’instabilité. Par rapport à ma situation familiale aussi, c’était mieux pour moi de trouver autre chose.
Direction cette fois, la Suisse pour un nouveau challenge qui a débuté cette saison avec le FC Stade Lausanne Ouchy
En prenant en compte la stabilité, le contrat, ma famille, j’ai opté pour ce challenge. J’ai mis un peu de temps à me décider, mais ça peut être un bon tremplin. C’est un projet ou le club et le coach me voulaient vraiment. J’ai sauté sur cette occasion pour pouvoir faire une saison pleine et ne plus être le super sub. À mon âge, j’ai besoin de jouer donc le mieux c’est de faire des matchs plein et ici ça se passe bien. Je suis à 1 but en 4 matchs. L’objectif du club, c’est de monter en première division. C’est un challenge où je suis un élément qui compte. L’intégration s’est bien passée. Au niveau du football, c’est toujours pareil plus tu découvres des pays et plus tu découvres qu’il y a des talents partout. C’est bénéfique pour moi et ma croissance dans le football.
Quel est ton regard à ce jour sur ta carrière ?
Je n’ai que 25 ans, mais dans le foot ça commence à faire “vieux”. Je n’ai pas de regret, mais si j’avais la possibilité de refaire certaines choses, il y en a que j’aurais refaites. Est-ce que je suis satisfait ? Je ne vais pas dire que je ne le suis pas. Aujourd’hui, je vis du foot et je remercie le Seigneur pour ça, car j’étais vraiment à deux doigts d’arrêter le foot. Mais je sais que ce n’est pas fini et j’ai des objectifs qui sont très élevés. Je suis assez ambitieux et j’ai encore le temps pour les réaliser. Pour l’instant, je suis satisfait, car ça m’a fait grandir avoir beaucoup d’expérience ; j’utilise ça comme une force plutôt que comme un fardeau.
En conclusion, quel serait ton conseil pour un jeune qui se lance de ce parcours ?
Je lui dirais de travailler, d’avoir la foi, de ne pas perdre espoir et d’être bien entouré. Avoir un entourage qui te soutiendra dans toutes les épreuves. Mais avant tout, il faut travailler. Après je sais qu’en Martinique, le problème, c’est le manque de visibilité pour les joueurs. Ça m’embête énormément. Il y a de très bons joueurs en Martinique, mais on ne peut pas les exploiter, car dans l’hexagone on ne fait pas assez l’effort d’aller les chercher. Il faut juste leur donner un peu de reconnaissance pour que le mental suive. Beaucoup viennent et au final tombent très vite dans la facilité en pensant qu’ils ont déjà réussi. A contrario ; il y en a beaucoup qui n’ont même pas cette possibilité, car il n’y a pas le soutien de l’Hexagone pour le foot martiniquais. Mais il faut continuer à travailler et un jour ou l’autre ça finira par payer. Le football, c’est très dur ! On voit souvent la partie argent, mais pour y arriver il faut passer par beaucoup d’épreuves et ces épreuves-là en valent la peine !
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