

Originaire de Guyane et âgée de 24 ans, Soriana CONSTANT est une jeune guyanaise qui évolue au sein de Montauban FCTG. C’est auprès de sa famille qu’elle découvre le football et l’envie de toujours se dépasser pour sa passion. Elle fait ses premières gammes au SC Kourou puis à l’US Matoury, mais ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle décide de se consacrer au football après s’être essayée à plusieurs sports. Depuis, elle s’est envolée pour l’Hexagone où elle a connu le haut niveau du football féminin français.
Soriana, comment se sont passées tes premières années en Guyane ?
En Guyane j’ai toujours été à l’aise, à l’époque il n’y avait pas de club féminin. J’ai toujours évolué avec les garçons, j’ai toujours eu une bonne relation et aucun différend avec eux. Même si au début forcément, ce n’était pas les mêmes mentalités que maintenant pour une fille qui jouait au foot. J’ai reçu quelques critiques, mais rien de méchant, mon niveau me permettait d’évoluer avec les garçons correctement.
En 2012 après ton départ de Guyane, tu intègres l’équipe de Soyaux. Comment cela a été possible ?
J’avais un bon niveau, mes proches et mon entourage m’avaient dit qu’il fallait que je tente ma chance. J’écoutais sans vraiment l’entendre car pour moi, le football c’était vraiment un plaisir, je n’avais pas pour objectif d’être professionnelle. Avec ma mère on s’est dit pourquoi ne pas tenter l’expérience et nous sommes parties. Mon but était de me faire une place dans le foot féminin mais aussi d’avoir un parcours professionnel à côté. Je ne connaissais rien ni personne. Ma première apparition en France était à Châtellerault, j’y suis restée 2-3 mois. Ensuite nous nous sommes installées à Poitiers, j’ai intégré l’équipe de Poitiers Trois Cités. C’est avec ce club que j’ai pu me faire repérer par l’ASJ Soyaux grâce aux matchs et tournois. Beaucoup de portes se sont ouvertes naturellement à moi à ce moment-là ! J’ai vécu ces moments et donné le meilleur de moi-même. Je ne peux que remercier Dieu !
Parle-nous de tes années passées à l’ASJ Soyaux.
C’était compliqué au début à cause de tous les changements de vie auxquels j’étais confrontée : nouvel entourage, le froid, le rythme sportif, les crampes… Cependant, je me suis vite adaptée, grâce à ce club très familial. J’ai passé 3 ans en sport-études au lycée et je dirais que c’étaient mes plus belles années de football féminin. J’ai enchaîné sur tous les plans, sportif et scolaire, tout me réussissait.
Avec l’ASJ Soyaux, tu découvres rapidement la D1 féminine soit le haut niveau du football féminin.
Exactement et je remercie Soyaux de m’avoir permis de toucher à ce niveau. Au début, j’étais dans le groupe U19 National à l’âge de 16 ans, j’étais surclassée. J’ai rapidement eu la chance d’intégrer le groupe de la D1 dès ma deuxième année en étant surclassée de nouveau. J’ai fait ma toute première apparition en D1 à 17 ans. J’étais comme sur un petit nuage et forcément très excitée à l’idée de le montrer. J’alternais entre les U19 et la D1 au début. Ensuite j’ai fait une année complète en D1 et quasiment titulaire à chaque match, c’était une fierté, des moments magiques. J’ai joué contre Lyon, Montpellier, Bordeaux, Paris, etc… Surtout, j’ai joué contre des filles que j’admirais à la TV comme Élodie THOMIS, Eugénie Le Sommer ou encore Louisa NECIB.
À cette période tu aurais pu atteindre l’équipe de France également. Pourquoi n’y es-tu pas parvenu d’après toi ?
Au début, il y a une trentaine de filles présélectionnées. Ensuite 18 joueuses sont sélectionnées pour ne garder à la fin qu’entre 13 et 16 filles. Je n’étais jamais dans ce groupe final. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais à l’époque il y avait toujours quelque chose qui me bloquait. Alors peut-être que je n’avais pas le niveau, il me manquait le truc pour y arriver.
En 2015 alors que tout se passait bien à Soyaux tu t’engages au Toulouse Football Club en D2. Pourquoi ce choix ?
Je dirais même que tout se passait très bien et je le dirais toujours. Mais le football c’est un monde particulier… Franchement je n’ai pas très envie de rentrer à nouveau dans ce sujet-là… Alors on dira que ce sont les aléas du football qui ont fait que je suis partie à Toulouse. J’ai très mal vécu le fait de quitter Soyaux pour aller à Toulouse. En arrivant au TFC, il y a aussi eu des aléas, j’ai perdu du temps de jeu, quelques soucis avec le coach… En général, quand ça ne va pas dans la tête, les jambes ne suivent pas, c’était le cas pour moi.
Tu tentes ensuite un passage à l’ASPTT Albi.
Effectivement, après mes 2 ans à Toulouse où ça ne s’est pas bien passé, j’ai eu envie de me relancer et Albi m’a contactée. Le club était encore en D1 à l’époque. Ça n’allait pas très bien mais je me suis dit que c’était le moment d’oublier le passé et de me relancer. En arrivant à Albi, je pense que je me suis trop donné durant la préparation, j’ai beaucoup travaillé. Je me suis fait les ligaments croisés. Ça a été un autre coup dur pour moi, j’ai fait une année blanche, je n’ai joué aucun match… ! Albi ne m’a pas conservée en fin de saison.
L’horizon s’éclaircit enfin quand tu t’engages avec Montauban FCTG.
Oui le club a pris contact avec moi, j’ai fait des essais et j’ai été prise. Ma première saison à Montauban a été compliquée car forcément, quand tu reviens des ligaments croisés tu ne retrouves pas tout de suite ton niveau. J’avais peu de temps de jeu mais ce qui m’a aidée c’est que j’ai retrouvé un cercle familial. Pas de prise de tête, je jouais pour me faire plaisir, la coach aussi m’a aidée à reprendre confiance en moi. C’est un peu de tout ce que j’avais perdu depuis Toulouse. Maintenant, je me sens très bien ici j’ai retrouvé, la confiance, un peu des sensations que j’avais à Soyaux même si j’estime que je n’ai jamais réellement retrouvé mon niveau.
Penses-tu pouvoir retrouver le niveau que tu avais à Soyaux un jour ?
Je ne me pose plus la question même si je pense qu’il faudrait que ça commence par en avoir envie mentalement. Je n’abandonne pas mais j’ai une perte de motivation liée au passé simplement. Mon niveau reste correct mais je pourrais faire plus je pense si j’avais la même motivation que quand j’étais plus jeune. Je pense que j’aurais même pu me projeter plus haut. Ce n’est pas impossible mais pour le moment, je me concentre plus sur le côté professionnel plutôt que le côté sportif. Avant, je faisais le contraire, le sportif avant puis le professionnel ensuite.
Penses-tu que ta perte de motivation est liée à la situation sanitaire actuelle ?
La D2 est très touchée par la situation contrairement à la D1 où les filles n’ont jamais arrêté. Nous avons été arrêtées, puis on a repris, puis arrêté à nouveau. Il y a des clubs qui ont des dérogations pour s’entraîner ou des filles sous contrats donc elles peuvent s’entraîner. C’est compliqué on essaye de s’entraîner du mieux qu’on peut au début c’était 3 fois avec l’attestation depuis ça a changé à nouveau donc on s’entraîne une ou deux fois par semaine. C’est compliqué.
Revenons sur le côté professionnel, quel est ton parcours ?
J’ai profité que le club me fasse confiance pour mener un double projet sportif et professionnel. J’ai eu la chance de passer le BPJEPS APT (activités physiques pour tous) et le BMF (brevet moniteur de football). J’ai fait 2 ans en alternance et cette année je suis salariée du club. Je gère les projets extra-sportifs au club et je fais partie des responsables notamment sur le plan éducatif et sportif. Je coach aussi une équipe U13 masculine. Pour l’année prochaine, l’objectif c’est de continuer à me former afin d’obtenir le niveau Bac+2.
Quel conseil donnerais-tu à une jeune fille au niveau professionnel ?
S’il y a possibilité d’allier les deux dès le début, je lui conseille de le faire parce qu’on ne sait pas de quoi sera fait demain… Je suis très bien placée pour le dire (rires) ! J’ai toujours eu dans l’idée de passer les diplômes. Aujourd’hui, c’est grâce au foot si j’ai une alternance et je fais des formations. Mais le foot c’est spécial, du jour au lendemain tout peut basculer, on se projette dans plein de choses et au final tout peut s’arrêter. S’il n’y a plus le foot qu’est-ce qu’il nous reste ? Rien et à ce moment-là, on se retrouve face à soi-même. C’est pourquoi les diplômes sont importants.
De façon plus générale, quel serait ton conseil à un jeune qui souhaite se lancer dans l’aventure football ?
Premièrement de travailler, il faut se fixer des objectifs pour aller au bout, c’est important. Deuxièmement ne pas faire confiance à n’importe qui, savoir à qui on parle, à qui on dit ce qu’on fait. Troisièmement, quand des opportunités se présentent, il ne faut pas attendre, il faut les saisir et vivre à fond tout simplement en faisant attention.