
Jianinn BERENICE est un jeune martiniquais âgé de 22 ans. Il fait ses débuts au CS Case Pilote à l’âge de 5 ans et quitte la Martinique quelques années plus tard pour des raisons familiales. Afin de continuer à jouer au foot, il intègre le club de La Chapelle Cintré où il joue durant une saison avant d’être repéré par le Stade Rennais. Aujourd’hui joueur de l’AS vitré, j’ai discuté avec lui de son parcours dans le monde du foot, de son succès sur Tik Tok mais aussi de son attachement pour la Martinique et sa famille.
Jianinn, après une saison passée à la Chapelle Cintré, tu intègres l’équipe du Stade Rennais FC à l’âge de 10 ans. Comment cela a été possible ?
Durant ma saison à La Chapelle Cintré, le Stade Rennais était dans notre championnat en U11. On jouait contre eux et lors de ces deux matchs là, j’avais été très bon. C’est parti de là, ils ont contacté ma mère. Tout ça s’est réellement concrétisé lors d’un tournoi. On jouait encore contre Rennes, j’ai marqué le seul but du match et ça nous a permis d’aller en finale. C’est à ce moment-là que ça a vraiment commencé.
Tu étais très jeune à cette époque là. Est ce que tu as tout de suite pris conscience de ce que ça représentait ?
J’étais jeune et pour moi il n’y avait que Lyon au foot. Je ne connaissais pas le Stade Rennais. Au début, je ne voulais pas trop partir de mon club parce qu’il y avait mes amis d’école. Mais on m’a expliqué un peu ce que c’était et ce que je pouvais faire en signant à Rennes. J’ai fini par dire oui !
C’était donc quelque chose de tout à fait inattendu. Comment a réagi ta famille à cette proposition ?
Ma famille a bien accepté cette proposition. Mes parents savaient très bien dès le départ que j’avais les capacités pour jouer dans un club comme celui-là dans l’Hexagone. En Martinique, je jouais déjà avec des garçons plus âgés que moi. Sans me vanter, j’avais une maturité qui faisait qu’ au final, j’étais l’un des meilleurs. Lorsque je suis arrivé à la Chapelle Cintré, je n’étais pas censé jouer avec l’équipe première. Ils ont vu que j’avais le niveau et m’ont fait passer avec l’équipe première et d’ailleurs, c’est ce qui m’a permis de jouer contre Rennes.
À 10/11 ans quand on intègre une grande équipe comme le Stade Rennais, à quoi ressemble le quotidien ?
J’ai eu la chance d’avoir ma famille à mes côtés et le soutien de mon père malgré la distance (NDLR :resté en Martinique). En ce qui concerne le quotidien, je n’ai pas connu la vie en internat car ma famille habitait aux alentours. Au début, je m’entrainais uniquement le mercredi comme tous les enfants de mon âge jusqu’en U11-U13. En grandissant, durant les dernières années au collège, j’ai commencé à avoir plus de séances : le mercredi après-midi et le vendredi soir.
Quel est ton plus beau souvenir au cours de toutes ces années à Rennes ?
C’est difficile à dire, j’en ai beaucoup ! Si je dois en retenir un, c’est en demi-finale de coupe de Bretagne avec les U19. J’étais le dernier tireur, si je marquais, on gagnait ! J’ai fait une panenka, elle est passée et c’était la folie. On a été en finale et on a gagné la coupe. C’est un souvenir que je garderai toujours en tête !
Finalement, tu as passé 9 ans au Stade Rennais mais à la sortie pas de contrat professionnel, pourquoi ?
Durant ces 9 saisons, j’ai beaucoup appris au Stade Rennais. Cependant, les places sont très chères et j’avais encore une marge de progression. Je faisais partie de l’équipe U17 DH et ce n’était pas facile d’atteindre les U17 Nationaux. Il y avait de joueurs meilleurs que moi. En plus, je jouais au poste de milieu gauche ou droit, ça demandait beaucoup de travail. Un jour, j’ai fait un très bon match, c’était contre Guingamp au poste d’arrière gauche. Un coach m’a dit fallait que je descende d’un cran pour jouer latéral si je voulais vraiment faire quelque chose dans le foot et aller loin. Ça arrivait au moment où j’avais peu de chances de passer en U17 Nationaux. Je me suis dit que c’était le moment de m’essayer à ce poste. On m’a repositionné et des fois j’étais surclassé en senior, en DSE (NDLR : 3ème équipe du Stade Rennais). Cette saison-là on a été champion de U19 Nationaux, DH et DSE et on est monté en DH. Je me disais que je faisais une bonne saison mais je voyais que le club ne me faisait pas vraiment confiance. Je voulais changer de club car je voulais jouer mais on était en National 2 et je voyais que c’était compliqué pour moi d’atteindre ce niveau avec l’équipe réserve senior. Ils m’ont proposé une saison de plus en me disant que j’allais prendre en maturité dans le jeu. Je suis resté mais une saison plus tard, j’ai décidé de partir.
Tu t’engages donc au SC Locminé.
J’y ai joué 2 saisons, le club était en National 3, à la base c’était un niveau en dessous de l’équipe réserve du Stade Rennais. Sauf que la saison où je quitte Rennes, ils descendent aussi en N3. Finalement, je me suis retrouvé à jouer contre eux. J’avais plusieurs petits objectifs, j’ai fait deux bonnes saisons avec ce club. D’un côté je me suis dit que j’arrivais au même point que si j’étais resté au Stade Rennais. J’avais obtenu quelque chose mais il me fallait continuer et monter voir autre chose.
Tu découvres le monde amateur à 19 ans. Comment as-tu vécu ce changement ?
La structure pro c’est carré, ça a beaucoup d’avantages. En arrivant à Locminé, j’ai remarqué que le club était très famille, ça tombait bien car moi aussi. Je me sentais comme chez moi, j’étais bien, ils m’ont tous mis à l’aise. Le passage à une structure amateur s’est donc fait naturellement et je me suis adapté à tout ça. Tout ce que j’ai fait au Stade Rennais m’a permis de me retrouver à Locminé dans ce club où j’ai bien progressé.
Deux ans plus tard, se présente alors l’AS Vitré (juin 2020).
L’AS Vitré m’avait contacté durant ma première saison à Locminé mais je n’étais pas encore prêt. Je voulais d’abord confirmer ma première bonne saison et partir ensuite pour jouer un niveau au-dessus. L’AS Vitré était en National 2 mais ils se trouvaient dans le bas de tableau au moment où les championnats ont été arrêtés à cause du Covid. Ils sont descendus en National 3. Mais en même temps, je voulais me rapprocher de Rennes et aussi de ma mère. Quand l’AS Vitré s’est représenté en Juin dernier, j’ai accepté et j’ai signé.
Comment se passe cette première saison sous ces nouvelles couleurs ?
C’est une année assez particulière mais on fait un bon début de saison même si on perd notre premier match contre le Stade Rennais. Le club a pour objectif de remonter en National 2. Ils ont tout mis en place pour ça mais avec le covid, c’est compliqué de jouer ! Là nous sommes tous arrêtés donc c’est frustrant !
Comment se passe le quotidien ?
Le club a obtenu une dérogation de la mairie pour autoriser les entraînements. Nos entraînements étaient à 18h45, on a dû les avancer à 18H. Maintenant on attend d’en savoir un peu plus pour reprendre le championnat. On ne sait pas quand, on verra bien mais en même temps ils annoncent déjà un autre confinement… Ça s’annonce compliqué de terminer cette saison, on a pris beaucoup de retard. Le championnat est arrêté depuis octobre. Nous, on a la chance de s’entraîner depuis octobre mais il y a des clubs qui ne s’entraînent pas du tout. Ce n’est pas facile et puis c’est long de te dire que tu t’entraînes mais que tu ne sais pas si tu vas pouvoir rejouer.
Changeons complètement de sujet, parles-nous de tes talents de “Tiktokeur”.
Non (rires), c’est rien ! Je faisais des vidéos amusantes avec ma famille lors du premier confinament, je n’avais pas grand monde sur Tik Tok. J’ai aussi fait une video d’un tatouage qui me représentait énormément les gens ont apprécié. Tout ça a pris une toute autre dimension quand j’ai fait une surprise à ma famille en Martinique en décembre dernier. Mon père, ma grand-mere et ma tante ne savaient pas que je venais. J’ai fait un petit montage depuis mon départ dans l’avion, jusqu’à mon arrivée en Martinique. Ensuite durant mon séjour, en profitant de la Martinique et de ma famille, j’ai continué à faire des vidéos sur Tik Tok. Ma tante est hyandicapée et les gens ce sont interessés à elle dans les vidéo. J’ai refait la danse d’Habi (NDLR : @habituetoi sur Instagram) où je dansais avec ma tante et ma grand-mere. La vidéo a fait 6,6 millions de vues. J’ai maintenant 240 milles abonnés.
À travers ces vidéos on ressent ton attachement pour la Martinique.
Oui ça me manque beaucoup. Je ne me vois pas vivre en Martinique maintenant parce que j’ai des projets mais peut être plus tard. Par contre, ce que j’aimerais énormément, ce serait de pouvoir jouer contre une équipe de Martinique avec mon club. J’aimerais me faire connaître un peu la bas aussi parce que je suis parti très jeune, je ne suis pas très connu.
Aimerais-tu suivre les traces de ton père, Jean-Victor LAVRIL, ancien joueur de la sélection ?
Oui tout le monde connait mon père qui jouait en sélection. Moi aussi j’aimerais me faire connaître et pourquoi pas venir en sélection. Je serais tellement heureux de pouvoir jouer en sélection de Martinique, pour moi ce serait idéal ! Je regarde les actualités, il y a la Gold Cup bientôt, je regarde les tirages au sort, je partage sur les réseaux… Je sais que j’arrive à l’âge où je peux prétendre à jouer ses compétitions.
En conclusion, quel serait ton conseil pour un jeune qui souhaite se lancer dans ce parcours ?
Je dirais à ce joueur qu’il doit savoir ce qu’il veut s’il se lance dans le foot. Je lui dirais aussi de ne jamais, jamais, lâcher. On sait que ce n’est pas facile, que c’est même très dur. Ensuite il faut qu’il croie en lui. Et pour finir, il ne doit pas écouter les gens qui disent qu’il n’y arrivera jamais. Il y arrivera !