

Suite à la publication de mon article « Lettre ouverte au football martiniquais » , j’ai accordé un droit de réponse au président de la Ligue Samuel PEREAU ! C’est au siège de la LFM que nous nous sommes rencontrés durant plus d’une heure afin de converser à ce propos en particulier ! Notre conversation nous a menés à nous questionner de manière plus générale au sujet des tensions, de l’agressivité et de la violence qui gravitent autour du football martiniquais.
Comment avez-vous accueilli mon article ?
Dans un premier temps je n’avais pas réalisé que c’était vous (rires), après ça a fait “tilt”. J’ai vu Kréyol Diaspower donc je me suis dit c’est Mme B. Elodie”. J’ai relu, pour bien entrer dans les détails et essayer de comprendre ce qui s’était passé. D’emblée, je n’étais pas content, je me suis dit “ pourquoi Elodie nous fait ça”. Je considère que c’est une forme d’attaque contre l’institution.Cela m’a embêté puisqu’on se connaît; depuis là-bas vous faites des choses, je vous ai répondu il y a une reconnaissance du travail que vous faites. Vous arrivez en Martinique il se passe ça, je me suis dit que vous auriez du commencer par me contacter. Si vous aviez commencez par là peut être que cet épisode n’aurait jamais eu lieu. Ce qui m’a embêté c’est que vous êtes un média. Le Délégué a fait son rapport qui reste et est géré en interne. Mais là, vous faites un article qui a une diffusion relativement conséquente avec votre version et une approche qui va au delà de cet épiphénomène.
C’est tout l’objet de mon article, je ne voulais pas que ça reste en interne. Je voulais casser ce côté “Je connais M.Perreau donc je vais régler ça avec lui” comme on a pu me dire ce jour là. Ma volonté était de montrer à tout le monde qu’on a aussi le droit à la parole. Depuis que je suis en Martinique, je vais au match je filme, quand ce n’est pas bien, je le dis . Il fallait que ça se passe de la même façon pour un officiel. Je vois encore plus loin, joueurs et dirigeants ont souvent des sanctions mais pourquoi ? Nous ne voyons pas les rapports, la convocation n’est pas systématique mais le public saura, par voie de presse, si un officiel est victime d’une agression. Mais les officiels ? Ils ont aussi un rôle à jouer dans tout ça ! Tout le monde voit un côté mais pas l’autre. In fine, je souhaitais aussi montrer qu’il n’y a pas de toute puissance des officiels .
Dans l’absolu, il n’y a pas de toute puissance du Délégué mais il y a eu une appréciation de la forme de votre part qui a été de dire que cette personne est dans un excès de zèle. Dans le fond, vous avez un délégué qui a fait son boulot. De plus, tout le monde peut faire un rapport. Ce que disent les textes notamment en matière disciplinaire c’est que : “la parole de l’officiel est retenue jusqu’à preuve du contraire”. Si vous avez un rapport, c’est à vous de faire la démarche pour le contredire. Cependant, le meilleur moyen de ne pas avoir de rapport c’est d’être dans son droit parce que l’institution a des règles comme partout. Les officiels sont des gens qui font un travail très difficile et sont régulièrement pris à partie. Ils sont copieusement insultés de l’arrivée au stade jusqu’au départ avec des insultes qu’on ne peut même pas imaginer. J’ai entendu une fois au stade de Case-Pilote une insulte où la personne faisait allusion aux garnitures de la mère de l’arbitre. C’est en permanence comme ça. C’est ce que je dis dans la réponse directe que je vous ai envoyée, c’est qu’il y a un bon équilibre de vivre ensemble à trouver. Il y a beaucoup d’acteurs dans le sport et dans le football en particulier qui est quelque chose de très populaire, il y a des réactions affectives. Il faut trouver le bon équilibre !
Est-ce que vous pensez que ce qui s’est passé est un événement isolé ?
Non, tous les weekends on a ce genre de problèmes. Vous imaginez quand vous êtes officiels, bénévolement vous apportez une pierre à l’édifice de ce football, vous êtes pris à partie tous les weekends… Cela arrive et c’est souvent au préjudice moral de l’officiel. Quand vous arrivez au stade, que vous êtes en train de garer votre véhicule vous commencez déjà à entendre des insultes, des menaces, intimidations vous vous faites une carapace. Au final, ça peut avoir malheureusement l’effet inverse parce que une fois dans cette carapace; vous allez croiser une personne qui a une bonne intention et peut-être ne même pas la saluer parce que vous êtes dans une bulle.
Comment expliquez-vous ce genre d’événement ?
Pour moi c’est une petite embrouille avec un délégué qui a peut-être manqué de communication mais ce n’est pas méchant. Ça arrive plus souvent que ce que vous ne pensez et ça arrive malheureusement souvent chez nous en Martinique pour deux raisons : la première c’est qu’il y a un certain nombre d’officiels qui manquent de psychologie. La deuxième, c’est que dans notre fonctionnement on a pris des habitudes martinico-martiniquaises de “i bon kon sa”. Il y a aussi la notion de discipline d’organisation à prendre en compte. Il y a des règles, des gens qui sont en charge de les faire respecter mais qui peuvent les appliquer différemment. Vous aurez un délégué qui va être cool ou un autre un peu sévère et un autre qui va faire son boulot. À ce moment là, on va taxer ce dernier d’excès de zèle alors qu’il ne fait que son boulot.
Comment cela devrait se passer en temps normal ?
Vous avez une organisation d’un match avec des officiels qui sont là pour faire que ça se passe dans de bonnes conditions. Normalement, vous avez une feuille de match avec un nombre de personnes inscrites. Ce sont seulement ces personnes là qui, au moment où débute le match, sont autorisées à être dans les zones réservées. Avant que le match ne commence, il y a une tolérance.
Chez nous, il y a donc une tolérance, en quoi cela consiste ?
Il y a une tolérance car il y a les porteurs d’eau, ceux qui amènent les sacs, terminent les soins, des dirigeants qui vont et viennent… Mais à un moment le Délégué dit stop, parfois c’est dit avec beaucoup de maladresse. À ce moment là, si vous n’êtes pas sur la feuille de match il faut sortir. C’’est la règle et l’autorité peut le demander gentiment ou non, fort ou pas. Que l’autorité n’ait pas la souplesse de se dire “elle est jeune elle, n’est pas là pour agresser l’arbitre” c’est autre chose… Mais on est sur la forme, dans le fond, elle a fait son boulot. Cependant le club, s’il a une demande particulière, peut venir voir le délégué dès le départ et dire “nous avons un jeune qui est en train de faire une action de communication avec le club, elle filme est-ce que vous pouvez la tolérer ?”. Ou encore “M. le délégué nous avons perdu quelqu’un récemment nous souhaitons qu’il y ait une minute de silence”, là le Délégué voit avec l’arbitre…

Il y a t-il d’autres points de tension lors des matchs ?
À l’entrée du stade où le délégué contrôle, il y a beaucoup d’embrouilles. Celui là arrive avec une carte qui ne correspond pas, l’autre avec son ticket mais il a son enfant qui a 17 ans mais il dit qu’il a 13 ans.. Là aussi vous avez des reproches qui sont fait aux délégués “j’ai l’habitude de rentrer, mon fils est au club, il vient tout le temps au match…” À ce moment là, le père fouettard c’est le Délégué parce qu’il représente l’autorité. On a aussi beaucoup de problèmes avec les clubs en début de match. En Martinique depuis toujours c’est une petite guéguerre entre les clubs pour savoir qui sera le dernier à rentrer aux vestiaires après l’échauffement. L’arbitre vient, il appelle les équipes mais personne ne rentre. Ça a le don d’agacer les arbitres. Ce n’est pas normal ! En Gold Cup, nous avons pris une amende de 3000 dollars parce que nous avons été en retard pour le début de la 2ème mi temps. Il faut qu’on revoie tout ça.
À titre personnel comment vivez vous ces tensions ?
Je pense et cela n’engage que moi, qu’il y a un problème par rapport à l’autorité chez nous. Nous sommes des écorchés vifs, nous, les antillo-guyanais descendants d’esclaves. Il faut qu’on comprenne que l’autorité doit s’exercer. Que ce soit l’autorité parentale, de l’éducation nationale, dans les associations… Le président, les dirigeants et les officiels représentent une autorité et doivent l’exercer en bon père de famille. Il ne faut pas faire n’importe quoi, les jeunes doivent comprendre qu’ils représentent l’autorité et les respecter.
Quelle est la position de la ligue dans ce genre d’événement ?
Dans une posture de juste milieu. Il n’y a pas des gens qui ont tort et des gens qui ont raison. Dans les embrouilles comme ça sur les stades, il y a de la responsabilité de part et d’autre.Le délégué c’est l’autorité ! Peut être qu’il le fait de manière excessive mais c’est comme le douanier, le gendarme, le policier…À partir du moment où on reste dans son droit on n’a de problème avec personne. Moi quand je vais au match, j’ai toujours ma carte. Je ne vais pas arriver pour rouler des mécaniques “Je suis Samuel PEREAU !”… Non j’ai toujours ma carte ! Si je viens avec un invité, quand j’arrive je me présente, je dis que j’ai un invité avec moi. Si le délégué ou la personne du club qui contrôle me dit non, j’irai acheter le ticket parce que c’est comme ça !
Comment la ligue gère t-elle cela directement avec les officiels ?
Hier, j’étais avec des éducateurs lors d’un stage, il y en a un qui m’a fait la remarque par rapport à l’attitude de certains arbitres. Il soulignait un manque de communication, de psychologie. Je lui ai dit qu’il faut qu’on travaille ensemble sur tout ça mais il faut se mettre à la place de l’arbitre. Il y a parfois des réactions tant pour les arbitres que les délégués, maladroites ou inappropriées parce qu’ils sont sur la défensive en permanence. Dans le fond il n’y a pas de problème. Dans la forme, il faut qu’on revoit avec les délégués, les arbitres aussi. On tient ce discours tout le temps il faut cette posture humaine et de communication pour essayer de comprendre.
Est-ce qu’il n’y aurait pas un besoin d’apaisement pour le football martiniquais. Une table ronde où tous les acteurs sont réunis, où on se dirait que nous ne sommes pas ennemis et que notre intérêt est le même : l’avancée du football martiniquais ?
Il y a ce besoin en permanence,nous sommes parfois un peu démunis face au besoin de pacification. Ici, on parle des matchs seniors où vous avez un minimum d’encadrement et d’organisation. Vous avez aussi les matchs de jeunes le dimanche matin où il y a moins d’encadrement et parfois des problèmes aussi graves. Il y a un besoin de pacification en permanence du football et plus largement car le football est à l’image de notre société.
Quelle conclusion peut-on donner à ce sujet ?
C’est très difficile pour les arbitres et les délégués. Il faut qu’on continue le travail de sensibilisation auprès d’eux pour qu’ils comprennent qu’il y a une humanité à avoir, que ce sont des bénévoles aussi qui sont en face. Il faut qu’on travaille aussi sur l’adaptation des stades, une réglementation qui soit connue de tous. On saura que quand on arrive dans telle zone réservée, que telle personne a le droit de rester là…Les choses doivent avancer dans la sérénité et la discipline. Pour être dans la sérénité, il faut de la discipline, de l’humanité, de la communication et de la compréhension mais il faut d’abord avoir la discipline et respecter la règle. Il faut qu’on apprenne ça à nos enfants et aux jeunes, le respect de la règle.