
2019 est une année charnière pour le football féminin. La France accueillera la coupe du Monde féminine du 07 Juin au 07 Juillet 2019. Ces dernières années, nous avons vu croître le nombre de licenciées féminines et l’engouement du public pour ces dernières au niveau national. Mais alors, qu’en est-il du développement de ce même football féminin en Martinique ? On sait que des joueuses comme Wendie Renard, Mylaine TARRIEU ou encore Emelyne Laurent y ont fait leur début il y a quelques années. Qu’en est-il aujourd’hui ? Sous quelle forme se développe-t-il ? Comment est-il considéré par les instances… J’ai posé toutes ces questions à Samuel PEREAU, président de la ligue de football de Martinique afin de dresser un portrait du football féminin en Martinique.
M. PEREAU, pouvez-vous nous parler du football féminin en Martinique à ce jour ?
Le football féminin a un triple visage en Martinique avec tout d’abord une pratique senior qui est faite d’une population de femmes pratiquantes qui, sans être méchant, est un peu vieillissante. On a un championnat d’une seule division composée de neuf clubs avec quelques clubs qui dominent le championnat féminin. Je pense au Racing Club de Saint-Joseph, au Club Franciscain, ou encore au RC Rivière-Pilote. D‘autres équipes comme Toutes Saisons ou le Club Colonial essayent de tirer leurs épingles du jeu dans ce championnat. La deuxième chose qu’on peut dire c’est qu’il y a une élite jeune qui est effective grâce à une section sportive, un pôle espoir de premier cycle qui existe depuis quelques années au collège de Saint-Joseph sous la houlette de la Conseillère Technique Régionale du football féminin en Martinique, Charlène MARIE-JEANNE. Cette section sportive permet d’alimenter assez régulièrement les clubs qui existent en championnat. La troisième chose, c’est l’émergence d’une pratique féminine jeune avec des compétitions qui sont organisées depuis l’année dernière (fin 2018). Nous comptons mettre l’accent à la fois sur la pratique féminine jeune classique mais également sur la pratique diversifiée notamment en futsal.
Sur quoi se porte le développement du football féminin en Martinique ?
On essaye d’assurer le renouvellement de la population avec une pratique féminine jeune, des compétitions qui ont été mises en place sous formes de plateaux de différentes catégories d’âge (U-9 à U-12). On essaye aussi de développer le futsal en s’appuyant sur des clubs qui veulent réaliser des choses. On a l’association Martinique All Star qui fait des choses avec les jeunes femmes et des clubs de futsal qui s’y mettent également. Nous souhaitons aussi travailler en partenariat avec l’Éducation Nationale pour que les pratiques en USSEP (primaire) et UNSS (collège et lycée) puissent se développer et qu’on puisse mettre en place des choses.
De quoi souffre ce football ?
Il souffre de problèmes démographiques. Il y a beaucoup moins de jeunes susceptibles d’intégrer la pratique du football. Il souffre également peut-être encore d’a priori de certaines personnes ou de parents qui pensent que le foot c’est particulier et que ce n’est pas fait pour les femmes. C’est de moins en moins le cas, le regard sur le football féminin est différent mais peut être que dans nos régions on a encore un regard particulier sur ce football. Il y a aussi pour certains, je pense, des a priori en matière de sécurité. Des gens doivent se demander si les pratiques féminines se font en toute sécurité. Nous souhaitons rassurer les parents et l’entourage des jeunes femmes qui veulent pratiquer, il y a des clubs qui sont bien structurés. Ils peuvent accueillir dans de bonnes conditions les très jeunes filles en mixité car jusqu’à l’âge de 13 ans, les jeunes filles peuvent évoluer avec les garçons dans une pratique à 11. Il y a aussi des éducateurs et éducatrices formés pour permettre les meilleurs apprentissages aux jeunes femmes. Il n’y a pas de raisons pour que nous ne puissions pas accueillir de plus en plus de jeunes femmes pour intégrer cette pratique.
Comment expliquez-vous que depuis quelques années très peu de joueuses ont pu intégrer des centres de formation dans l’Hexagone ?
On a vu arriver dans des centres de formation ou clubs formateurs de premier plan en France hexagonale un certain nombre de jeunes femmes martiniquaises ces dernières années. Par rapport à nos effectifs et notre population, c’est plutôt exceptionnel. Cela, au-delà de Wendie RENARD qui effectivement est l’icône de ce football féminin martiniquais et sûrement une des dix meilleures joueuses de football au monde. Il y a aussi d’autres jeunes femmes comme Mylaine TARRIEU, internationale française qui est issue de la formation martiniquaise. On a également Emelyne LAURENT qui est aujourd’hui joueuse de l’AEG prêtée par l’Olympique Lyonnais et passée par Montpellier. Ce sont déjà deux jeunes femmes qui à partir de la formation martiniquaise, ont intégré de grands clubs ces dernières années. À d’autres niveaux, on a des jeunes femmes qui ont intégré des clubs de D2 ou de DH à partir de leurs formations ou de leurs passages dans des clubs martiniquais.
Vous êtes donc satisfait de ce que produit le football féminin en Martinique actuellement ? J’ai quand même le sentiment qu’on pourrait faire mieux.
Non, car on peut toujours mieux faire mais il faut tenir compte et ça je le répète régulièrement, de notre bassin de population c’est-à-dire aujourd’hui moins de 380 mille personnes. Il faut aussi tenir compte du faible nombre de licenciées féminines. Je rappelle aussi que sur 10 ou 11 mille licenciés, nous avons très peu de licenciées féminines seniors. Il y a un gros travail qui se fait pour augmenter le recrutement de ces dernières, pour organiser les compétitions de jeunes. Sur ce faible bassin de population, grâce au travail de formation de nos éducateurs et des clubs qui s’investissent dans le football féminin ; nous avons quand même réussi à placer deux jeunes femmes en équipe nationale A : TARRIEU et Laurent. Je souhaite également souligner que nous avons une autre jeune femme qui évolue en D1 a l’AS Soyaux. C’est Aurélie ROUGET qui, elle aussi, est bien martiniquaise et formée par le football martiniquais. C’est la preuve qu’au-delà des difficultés évoquées précédemment, on arrive quand même à réaliser un certain nombre de choses. C’est quand même quelque chose d’exceptionnel ! On va continuer à travailler sur ce faible bassin de recrutement pour pouvoir avoir de manière exceptionnelle, voire miraculeuse, des jeunes femmes qui puissent atteindre ce haut niveau.
En ce qui concerne les joueuses que vous avez citées et qui touchent déjà le haut niveau, j’aimerais savoir pourquoi la LFM ne fait pas d’elles des icônes du football martiniquais pour aider à le développer. Encore une fois, j’ai l’impression qu’on ne fait pas le maximum à ce niveau.
Bien sûr qu’il y a un vide qu’il faudra combler tôt ou tard. On a déjà essayé de faire des choses notamment avec Wendie RENARD qui a été la marraine d’une récente compétition. Nous avons également des projets de mise en avant et finalement de reconnaissance par le pays Martinique de ces joueuses et en particulier de Wendie RENARD. Bien sûr qu’on continuera à développer des opérations de promotion en s’appuyant sur ces icônes comme vous l’avez dit. Après, ce sont toujours des questions liées aux ressources, je parle notamment de ressources humaines. Avoir les professionnels qu’il faut, l’écoute nécessaire auprès des décideurs politiques et de nos tutelles internationales…
Cette année 2019 est une année charnière pour le football féminin avec la coupe du monde, avez-vous prévu certaines actions ?
Oui bien sûr. Pour cette année 2019, on a un certain nombre d’actions qui ont été programmées par notre département technique sous la houlette de Charlène MARIE-JEANNE (CTR). La Ligue de Football est partenaire d’une opération réalisée par l’association Martinique All Star avec Victor JEAN-BAPTISTE. Il s’agit d’une compétition de futsal chez les jeunes qui a débuté en 2018. Le vainqueur de cette compétition ira voir plusieurs matchs de la coupe du monde féminine, ce qui est une excellente chose. On a d’autres actions de promotion qui vont, on l’espère, permettre de surfer sur cette actualité et nous permettre d’augmenter notre nombre de licenciées.
Pour finir sur ce sujet, quels sont vos espoirs pour ce football féminin martiniquais ?
Nous avons plus que des espoirs, nous avons une feuille de route qui nous permettra de réaliser un certain nombre d’objectifs. L’objectif le plus important pour nous est de développer cette pratique féminine jeune. On sait bien qu’on a besoin de travailler la masse, notre pépinière de jeunes femmes. Les axes sont d’abord de renforcer la collaboration avec l’Éducation Nationale, ce qui est en cours. Beaucoup de projets sont en cours de réalisation en tenant compte des obligations qui nous sont faites par voie contractuelle avec la fédération de football et la Fifa dans le cadre du protocole de coopération. Nous avons mis en place des compétitions de jeunes pérennes qui fonctionnent sous forme de plateaux réguliers en extérieur en foot à 5 ou 7 et du futsal. Il y a un nouveau référent à l’Éducation Nationale, un nouveau directeur de l’UNSS qui est très engagé avec lequel nous allons continuer à nous développer. On va aussi développer le sport universitaire, tout ça dans l’idée de fidéliser les pratiques jeunes et de créer des vocations chez les jeunes martiniquaises. Le travail doit se continuer également au niveau des clubs pour améliorer l’encadrement chez les jeunes et pouvoir favoriser plus de mixité. Bien sûr s’agissant des élites, on a désormais de la pratique régulière avec la participation de la sélection U15 aux interlignes ou à des compétitions internationales par le biais de la CONCACAF. Il faut d’ailleurs souligner le très bon comportement de nos U15 qui se sont hissées jusqu’en demi-finale de leur groupe lors du dernier tournoi CONCACAF (en Floride). À cela s’ajoute, la participation prochaine de notre élite U17 féminine dans une prochaine compétition CONCACAF.