Yoann ARQUIN : “Ma carrière est faite comme ça et j’en suis fier…”

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Yoann Arquin est un joueur martiniquais né à Montivilliers. Après avoir grandi dans une famille de sportifs qui a su lui transmettre sa passion pour le football, il a intégré le centre de formation de l’AS Nancy Lorraine à 17 ans. Il nous parle de son parcours atypique et des difficultés qu’il a pu rencontrer.

Yoann, tu as connu trois centres de formation plus jeune, pourquoi ?

J’ai commencé au Havre Athletic Club, mais je n’étais pas en « centre de formation », j’habitais dans la région. Je rentrais chez moi, je ne dormais pas au centre. Mon premier vrai centre de formation, c’était l’AS Nancy Lorraine ensuite je suis parti au FC Nantes. Pourquoi trois centres ? Le Havre n’a pas voulu me conserver, à Nancy, je voulais un contrat, mais le club ne me l’a pas proposé. J’étais en contact avec un agent qui m’a emmené à Nantes où j’ai signé un contrat d’un an de stagiaire professionnel. Là, ça ne s’est pas très bien passé, je suis ensuite parti pour Quimper un club amateur.

Ton passage à Quimper aura été déterminant pour la suite de ta carrière.

À Quimper, j’ai fait une bonne saison et le Paris Saint-Germain était dans notre groupe donc j’ai pu jouer contre eux. Un agent m’a contacté en milieu de saison, il trouvait mon profil intéressant au début, il voulait m’emmener dans le championnat belge. Il y avait aussi Brest qui me suivait, mais ça ne s’est pas fait. À mon retour de vacances, l’agent de l’époque me dit « tu vas aller faire un essai de deux ou trois jours au PSG » (en 2009). Au début, je ne le croyais pas, je lui demande ce qu’il a de concret à me proposer. Il me redit que je vais au PSG. Je m’entraine deux jours avec le PSG puis on joue un match amical contre Compiègne. Je marque un but sur corner et je sors à la mi-temps. Le lendemain mon agent m’appelle, il me dit « tu as rendez-vous dans le bureau, tu vas signer avec le PSG qui te propose un contrat d’un an ». Je n’y ai pas cru au début, je l’ai annoncé à mes parents, ils étaient contents. Je n’y croyais toujours pas jusqu’au lendemain quand je suis allé dans le bureau pour signer. Signer mon contrat pro au PSG restera toujours un beau souvenir car c’est mon club de cœur, j’ai toujours supporté cette équipe, c’était un honneur d’y jouer, j’étais fier.

Tu es passé par plusieurs clubs avant de signer ton premier contrat professionnel. Qu’avais-tu au PSG que tu n’avais pas les années précédentes ?

À Nancy, j’étais jeune, je sortais du Havre, je découvrais la vraie vie en centre de formation. C’était un peu difficile même si on avait une bonne équipe, je me suis fait des amis là-bas avec qui je suis toujours en contact aujourd’hui. J’avais un peu moins d’expérience, quand tu es dans le centre, tu es couvert, quand tu en sors, tu es un plus livré à toi-même. Tu as ton appartement, tu dois faire les choses toi-même c’est plus difficile, tu as plus de responsabilités. Quand je suis arrivé au PSG à 22 ans j’avais plus de maturité, j’étais plus grand.

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PSG

Pourquoi ne pas avoir poursuivi avec le PSG ?

Si ça ne tenait qu’à moi j’aurais signé un contrat de huit ans directement (rires). Le coach de l’époque avait dit à mon agent que si on ne trouvait pas de propositions intéressantes il me prolongerait à nouveau d’un an. Je voulais rester au PSG mais l’agent m’assurait qu’il allait me trouver autre chose. J’ai eu une proposition d’un club turque, mais mon agent me disait que c’était risqué et qu’il allait me trouver un club en L2. Finalement, je n’ai pas prolongé avec le PSG, je me suis même retrouvé sans club pendant un petit moment. J’ai ensuite signé au RED STAR (banlieue limitrophe de Paris, 2010).

Après le Red Star tu t’envoles pour l’Angleterre où tu côtoieras deux clubs, pourquoi être parti et que retiens-tu de ces clubs ?

Au Red Star ça ne s’est pas très bien passé donc je ne suis pas resté longtemps. J’ai toujours voulu jouer en Angleterre, je supportais Arsenal, Thierry Henry, c’était un peu comme un rêve d’aller jouer là-bas. C’est mon style de jeu parce que je suis grand, j’aime jouer de la tête, j’allais vite. J’ai joué une saison à Hereford (2011) ça s’est bien passé. Le plus dur, c’était la langue, je ne faisais pas trop d’effort parce que j’étais avec un autre français, il parlait anglais, donc il traduisait pour moi. J’en garde un très bon souvenir, c’était un bon championnat avec une bonne ambiance. Ensuite j’ai joué à Notts County, j’ai commencé à parler anglais, donc j’étais plus à l’aise.

Quelle comparaison peux-tu faire entre le championnat français et le championnat anglais ?

La première ligue et la ligue 1 ça n’a rien à voir. En 3ᵉ, 4ᵉ, voire 5ᵉ division en Angleterre tu es professionnel. En France, c’est L1, L2 mais National on ne regarde pas trop alors qu’en Angleterre peu importe la division, les gens viennent au stade en famille, il y a de l’ambiance. C’est vraiment le pays du football. Là-bas les divisons ne veulent rien dire tu peux être en 5ᵉ division et jouer contre une 3ᵉ division en coupe et tu gagnes contre eux. À Notts County on est tombé contre Liverpool en coupe et on a fait match nul 2-2, on a perdu en prolongations. À Hereford aussi on a joué contre Aston Villa en coupe, on a fait un gros match même s’ils n’étaient pas à fond, c’est sûr, on n’avait pas perdu d’un gros score. L’Angleterre c’est top, c’est vraiment l’idéal pour jouer au foot.

Malgré ces belles années, tu pars ensuite en Ecosse pour connaitre à nouveau deux clubs, pourquoi ?

Durant ma première saison à Nottingham (2012) je m’entendais très bien avec le coach, j’ai fait une grosse première partie de saison, j’avais toute sa confiance. Malheureusement, il a été viré en deuxième partie de saison. Le courant ne passait pas du tout avec le nouveau coach, il ne me faisait plus jouer, je m’entraînais avec la réserve. Un autre coach est arrivé, il avait ses joueurs, je ne faisais que m’entraîner et jouer avec la réserve. J’ai cherché à savoir pourquoi, la seule réponse que j’ai eue en janvier durant ma deuxième saison, c’est qu’un autre club était intéressé par moi. J’ai accepté puis je suis parti en Ecosse à Ross County. J’ai fait toute la deuxième partie de saison on s’est maintenu, j’ai été prolongé d’une saison. Tout se passait bien jusqu’à la reprise. On a enchaîné les défaites et le coach a été viré, encore une fois ça ne s’est pas bien passé avec le remplaçant. J’étais bien dans ce club-là, les fans m’aimaient bien, j’étais proche du président. En plus à cette période, j’allais en sélection de Martinique, donc ça faisait de la pub au club. À la fin de mon contrat, je savais que je n’allais pas prolonger. Je suis parti dans un autre club en écosse qui jouait le maintien, mais cette fois on n’a pas réussi à se maintenir donc je ne suis pas resté longtemps.

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Entre 2015 et 2017 tu passes par trois clubs.

Je suis ensuite parti en Turquie pour 2 ans à Trabzon (2015). Au début, tout se passait bien et puis il y a eu des soucis avec le coach qui a été viré, le nouveau ne comptait pas sur moi. J’ai fait savoir que je voulais résilier mon contrat mais le club ne voulait pas. Un agent m’a appelé pour me dire qu’un club suédois (Syrianska FC) qui jouait le maintien cherchait un attaquant. À croire qu’il n’y a que des clubs qui jouent le maintien que j’intéresse (rire) mais j’étais encore sous contrat avec Trabzon qui ne voulait pas me libérer. J’ai fini par me libérer et je suis partie en Suède (2015), je suis arrivé en juillet j’y suis resté jusqu’en novembre, on a obtenu le maintien, mais je ne voulais pas y rester. Un club de 2ᵉ division qui montait en 1ʳᵉ me voulait, mais moi je n’étais pas trop d’accord sur les clause du contrat.

En 2018 tu arrives à Kayzar où tu resteras quelques mois.

Avant j’étais en Suède de juillet à novembre (2016), je suis restée sans club de novembre à janvier, je m’entrainais seul. Puis j’ai signé à Mansfield Town en janvier (2017) jusqu’à mai je n’ai pas été prolongé. De juin à décembre j’étais sans club, mais comme je faisais la Gold Cup je ne cherchais pas vraiment de club puisque je partais avec la sélection. En janvier (2018) j’ai signé au FC Kayzar, le club a vu des vidéos de moi, ils étaient intéressés donc ils ont demandé à Mathias (Coureur) des renseignements sur moi. Ils voulaient me voir pour me proposer un contrat, dans le même temps, je devais signer à Chypre, mais ça a mis du temps à se faire. Je suis parti pour Antalya, j’ai rejoint le FC Kayzar qui était en préparation, ils ont pu voir que j’étais apte, j’ai fait des entraînements, donc le coach était ok. J’ai signé et en plus, il y avait mon cousin qui jouait dans ce club.

Mais encore une fois tu n’hésites pas à t’engager dans un nouveau club peu de temps après le FC Kayzar.

Le club a résilié mon contrat, car je ne marquais pas alors que je ne jouais pas… Je suis depuis juin (2018) à Yeovil Town FC (EFL League Two) ça se passe bien pour l’instant le coach a confiance en moi il me fait jouer. Il est d’accord pour que les internationaux partent en sélection. J’ai marqué deux buts contre deux anciennes équipes. Il y a un bon groupe de jeunes, une bonne ambiance et en plus, nous sommes cinq internationaux, donc ça se passe bien.

Prenons un peu de recul par rapport à ta carrière. N’aurais-tu pas pu rester plus longtemps dans un club en prenant sur toi et en te disant que la relation avec le coach aurait pu s’arranger ?

Je ne suis pas quelqu’un de patient, c’est peut-être un défaut comme une qualité, mais je veux jouer je suis un compétiteur. La relation avec le coach est importante pour moi. Je marche à l’affectif. Si je m’entends bien avec le coach je donne tout pour lui. S’il ne me fait pas jouer parce que celui qui est à mon poste est meilleur que moi, là il n’y a pas de problème. Je sais que c’est à moi de travailler pour montrer que j’ai ma place. Si c’est pour une autre raison, je préfère partir. Les coachs ont leurs têtes, si ça ne passe pas, ils te le font comprendre. C’est mieux pour toi de partir, sinon tu ne joues pas et quand tu aimes le foot tu as envie de jouer tu ne peux pas rester et dire « ce n’est pas grave, je prends sur moi j’attends ». Je préfère qu’on me dise les choses franchement comme ça je sais à quoi m’attendre. Rester alors que je sais que je ne vais pas jouer ça ne me ressemble pas. Je préfère partir aussi parce qu’à force de ne pas jouer ça peut être très difficile de retrouver un autre club derrière. Tu peux te retrouver face à un coach qui te dit que tu n’as pas beaucoup joué, que l’équipe a besoin d’un joueur prêt.

En restant aussi peu de temps dans un club comment tu fais pour t’adapter, garder tes repères et être prolifique ?

L’adaptation, c’est une habitude, à force d’aller à l’étranger, tu sais comment ça se passe. Je connais mon boulot, à l’entrainement, je dois me donner à 100%. En match, je dois marquer en plus le football, c’est le même partout. Je parle anglais aussi, donc ça aide à s’adapter plus vite. La plupart du temps, dans les clubs que j’ai côtoyés, il y avait des Français ou des Anglais ou des Africains qui parlaient français. Ils t’aident à t’adapter. C’est un kiff d’aller dans d’autres pays dès que je sais que je pars, je suis heureux de découvrir autre chose, encore une autre culture du football. Il n’y a pas beaucoup de monde qui ont cette opportunité-là et le foot m’a vraiment offert cette possibilité de voyager. Parfois je discute avec d’autres joueurs qui sont curieux de savoir comment ça se passe à l’étranger. C’est là que je réalise que c’est une chance que j’ai de pouvoir jouer au foot dans autant de pays. Certains agents me disent qu’ils peuvent me faire jouer en national, mais je préfère l’étranger. Dans chaque pays que j’ai fait j’ai laissé mon empreinte, les supporters se rappellent encore de moi aujourd’hui. Ce qui est bien aussi à l’étranger, c’est que lorsque la sélection de Martinique m’appelle ils ne refusent pas ou ne sortent pas d’excuses pour m’empêcher d’y aller comme ça peut arriver en France. En signant mon contrat, je préviens toujours le club que je partirai en sélection si je suis appelé. La sélection de Martinique est prise au sérieux à l’étranger comme l’Italie ou le Brésil.

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Crédit :CONCACAF

Justement, quel regard portes-tu sur la sélection de Martinique ?

Les campagnes viennent de reprendre, je suis l’actualité de la sélection. Je suis toujours en contact avec les joueurs de la Martinique et ceux qui sont en Europe. On est comme une famille on se donne des nouvelles de temps en temps. Il y a un nouveau coach, on n’a pas encore été mis en contact, mais si ça venait à se faire, pour moi il n’y a pas de soucis pour rejoindre la sélection. Maintenant je fais ce que j’ai à faire dans mon club pour ça et si le coach de la sélection fait appel à moi, je serai prêt et honoré. C’est toujours un plaisir de porter ce maillot martiniquais et de représenter la Martinique.

Tu n’as donc pas de regrets concernant ta carrière.

Je ne regrette rien des clubs où je suis passé. Les gens ont tendance à dire « c’est un globe trotteur, il est bizarre, il ne reste pas en place, il n’est pas stable ». Mais franchement moi je ne vois pas ça comme ça. Il y a des gens qui ont des carrières où ils font trois ou quatre ans dans un même club. Il y en a d’autres qui changent de club tous les ans ou tous les deux ans ; ma carrière est faite comme ça et j’en suis fier. Je change de club ou de pays chaque saison, mais je vois d’autres cultures, d’autres pays, je découvre d’autres langues et ça me plaît beaucoup.

Parmi tous les clubs que tu as connus, lequel t’as le plus marqué ?

Il y en a plusieurs : Nancy, il y avait une ambiance de folie et jusqu’à aujourd’hui on est toujours en contact. Le PSG, c’est mon club de cœur, l’ambiance était bien aussi. Ross County c’était la maison, président, coach, directeur sportif, c’était un club très famille. À Nottingham County, c’est le club ou j’ai fait ma grosse saison avec un match contre Liverpool, but, passe décisive, ambiance à l’anglaise, bonne ville. Je me sentais comme chez moi là-bas, jusqu’à maintenant quand j’y retourne, je me sens comme chez moi.

Quel serait ton conseil pour un jeune joueur ?

Le football, c’est le meilleur métier du monde, il faut prendre du plaisir au maximum, car on joue au foot parce qu’on aime ça et une carrière de footballeur ce n’est pas long. Il faut aussi travailler dur, ne rien lâcher et être fort mentalement.


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