
C’est en regardant des matchs à la télé en compagnie de son père que Jérémie PORSAN-CLÉMENTÉ a vu naître sa passion pour le football. À l’âge de six ans, il entame au FC Schoelcher ce qui sera certainement le début de sa longue carrière de footballeur. Aujourd’hui footballeur professionnel au sein du Montpellier Hérault Sport Club, il partage avec nous les moments marquants de son parcours.
Jérémie, qu’est ce ça fait d’être le sosie de Cristiano Ronaldo ?
Non, je ne suis pas vraiment son sosie (rire) mais on me dit souvent qu’il y a des airs de ressemblance. Après, c’est vrai que je suis très fan de lui depuis mon plus jeune âge, j’essaye de m’inspirer de lui, c’est une source de motivation.
En 2010, en Martinique, tu participes à une détection qui aura de grandes conséquences sur la suite de ton parcours footballistique.
C’était au Marin (NDLR : commune du sud de la Martinique), tous les joueurs de ma catégorie de Martinique étaient présents durant une journée. On est deux à avoir été repéré par un sélectionneur de l’Olympique de Marseille, Ronny LABONNE et moi. À la fin de la journée le recruteur est venu voir mes parents en leur disant qu’il m’avait choisi. L’Olympique de Marseille a envoyé une proposition à mes parents pour un essai d’une semaine à Marseille. Un mois plus tard, on est parti avec Ronny, je suis le seul à avoir été pris. L’OM a ensuite envoyé une proposition de contrat à mes parents. Je ne me suis pas dit que j’allais devenir footballeur professionnel, je me suis dit que c’est un pas en avant pour le devenir. Le fait de rentrer dans un centre de formation ça m’a donné encore plus envie et ça m’a montré que mon rêve était encore plus accessible.
Comment ça s’est passé avec tes parents pour le départ ?
Ma mère ne voulait pas clairement elle était très réticente. J’ai dû la convaincre de me laisser partir. Finalement, j’ai pu partir à l’âge de 13 ans, mais ça a été très difficile pour elle au début.
À 13 ans tu te retrouves donc tout seul à Marseille au centre de formation, comment ça s’est passé ?
Au début, c’était vraiment difficile. En Martinique, on s’entraînait deux fois par semaine ici, c’était deux fois tous les jours et en plus, il y avait le froid. Il faut savoir que deux mois après mon arrivée à l’OM, j’ai été surclassée avec les U17 donc c’était encore plus dur pour moi. En même temps j’avais sauté une classe et je suis née en fin d’année, donc je me retrouvais en seconde à l’âge de 13 ans et demi. C’était difficile d’alterner les cours et les entraînements en Martinique je n’avais pas connu ça. C’était difficile les six premiers mois, mais après ça a été mes coéquipiers m’ont tout de suite mis à l’aise, ils m’ont aidé à m’acclimater.
Ça fait beaucoup de choses pour un aussi jeune joueur, qu’est-ce qui t’as aidé à te réaliser en tant que joueur ?
Justement, c’est ce qui m’a aidé, de voir que j’arrive à l’Olympique de Marseille, l’un des plus grands clubs au monde, que je suis surclassé directement parce que j’ai fait mes preuves, que je commence à marquer des buts faire des passes décisives… À l’école en seconde, j’avais 16 de moyenne, ma mère était derrière moi pour ça, ça se passait bien. Encore une fois, le plus difficile, c’était le climat à l’école et au foot ça se passait très bien. Je me disais qu’il fallait que je continue comme ça que je pouvais encore progresser, c’était que du positif.
Tout se passe tellement bien que tu signes ton premier contrat pro avec l’OM à l’age de 16 ans et trois mois, comment c’est possible de signer aussi jeune ?
Quand j’arrive à Marseille la première année je suis U15, on me surclasse en U17, mais je redescends en U15 pour les deux derniers mois pour jouer le titre. On finit champion et je suis meilleur buteur. La saison suivante, je repasse en U17, la première année on finit 4ᵉ j’étais parfois surclassé avec les U19. La deuxième année en U17, ont fini 2ᵉ, mais j’ai aussi beaucoup joué en U19 et c’est justement avec les U19 que j’ai joué la Youth League (NDLR : il s’agit de la Ligue des champions des jeunes). C’est là que je me fais remarquer avec un doublé contre Dortmund, je joue contre Arsenal, Naples… Des clubs européens m’ont approché, j’ai discuté avec eux, mais j’ai décidé de rester à Marseille en signant mon premier contrat professionnel à l’âge de 16 et 3 mois.
J’ai l’impression que pour toi va toujours très vite, encore une fois comment tu fais pour garder les pieds sur terre jusque-là ?
Durant cette période-là mon père venait souvent me voir avec mon frère pour m’aider à garder les pieds sur terre. Ce n’était pas évident de tout gérer seul parce qu’en même temps j’avais le bac cette année-là, je l’ai eu à l’âge de 16 ans également. Mais heureusement que mes proches étaient là pour me faire garder les pieds sur terre.

C’est donc bien entouré que tu continues ton ascension jusqu’en aout 2014 où tu joues ton premier match de L1. À 16 ans, ce qui doit être un souvenir mémorable non ?
Les années précédentes je faisais la préparation avec le centre de formation, c’est-à-dire la catégorie avec laquelle je reprenais. Mais là, je la fais avec les professionnels puisque j’ai signé pro. Marcelo Bielsa est arrivé à l’OM, il m’appelle pour cinq matchs amicaux sur 6, il m’appelle aussi pour la première journée de Ligue 1 contre Bastia, mon premier banc en pro. Ensuite la 2ᵉ journée contre Montpellier, il me reprend dans le groupe et me fait rentrer à 20 minutes de la fin. C’est un sentiment incroyable puisque 2 mois avant j’étais en CFA, U19 ou U17 selon les matchs et là je passe au monde pro, au Vélodrome devant 50 000 spectateurs, j’avais 16 ans… Avant de rentrer je me suis dit « wouaw », j’ai réalisé mon rêve, c’est l’un des plus beaux jours de ma vie. Jamais de la vie, je ne me serai imaginé ça et Marcelo Bielsa m’a donné ma chance, c’est indescriptible.
Jérémie avant de poursuivre je suis obligée de poser la question : Marcelo Bielsa est-il aussi fou qu’on le décrit ?
Tu as bien résumé la chose, c’est vraiment un fou, « El Loco » comme on l’appelle. C’est vraiment un grand entraîneur. Il est vraiment atypique, je ne pense pas qu’il y en ait deux comme ça. Il a ses particularités, son caractère, il est très pointilleux. Je me rappelle une fois on partait pour l’entrainement, il aimait beaucoup faire des exercices de passe. Les intendants ont placé les plots sur le terrain, mais pas comme il le voulait. Donc, on sort pour débuter l’entrainement et lui il décide que non ; vu que les plots sont mal placés on ne s’entraîne pas. Ce n’était pas contre nous, c’était contre les intendants, mais il a juste dit « non on ne s’entraîne pas » et du coup on ne s’est pas entraîné. Je pense que ça résume bien le personnage… El Loco.

Jongler entre les U17, U19, la CFA, les pros, même si tout le monde parle le même football, les repères ne sont pas les mêmes à tous les niveaux. Une fois de plus, comment tu fais pour gérer tout ça ?
En fait, même si j’étais surclassé, je restais uniquement avec des gens de mon âge, je m’entendais bien avec tout le monde, mais la plupart du temps je restais avec Maxime Lopes avec qui j’ai une amitié très forte et ceux de ma catégorie. Ça m’a permis de garder les pieds sur terre par rapport au foot et de prendre conscience que j’avais quand même le même âge qu’eux.
Jusque-là tu gérais bien puis, après cette ascension fulgurante, tu connais une sorte de passage à vide, à quoi était-ce dû ?
Après que Bielsa m’a fait jouer, j’ai fait 12 bancs de L1 cette saison-là. J’ai stagné même si j’ai quand même fini meilleur buteur en CFA cette année-là. Les deux dernières années avant que je parte de l’OM aussi. Tout est arrivé trop vite, au bout d’un moment, j’ai cru que j’étais arrivé quand il m’a fait jouer à l’âge de 16 ans, je me suis reposé sur mes lauriers ; ça m’a un peu perturbé. C’est moi qui ai voulu quitter Marseille, ça faisait cinq ans que j’étais là il fallait que je change d’air. Je stagnais, dans ma tête, j’avais déjà fait le tour de Marseille, j’avais percé un peu, mais comme je l’aurais souhaité. Je me suis dit qu’il était temps de changer d’air.
Juillet 2017, tu t’engages donc au Montpellier Hérault Sport Club, pourquoi avoir choisi ce club et ne pas être parti en prêt vu que tu es jeune ?
Je suis quelqu’un qui aime la stabilité, si je pars, c’est définitif, même si j’ai réfléchi à un prêt, je voulais vraiment partir de Marseille. J’ai eu des propositions d’autres clubs mais j’ai préféré aller dans un club de milieux de tableau de L1 moins connu que l’OM mais où je pourrais retrouver confiance et prendre du plaisir. Montpellier, c’est dans le sud, c’est un club familial, moins sur le devant de la scène que Marseille. À Marseille on surveille tout ce qu’on fait, dès qu’on sort on nous regarde, on ne peut pas vraiment avoir de vie privée. Montpellier, c’est plus discret, plus calme, familiale. Je peux mener une petite vie tranquille. Je suis épanoui, je prends du plaisir sur le terrain, ce que j’avais perdu à Marseille durant la dernière année.

Comment ça se passe avec Montpellier depuis ton arrivée ?
-Je m’entraîne tous les jours avec les pros, j’ai fait tous les matches amicaux avec les pros. J’ai été deux fois sur le banc contre Lyon en Coupe de France et Paris en championnat. Le reste du temps, je joue en CFA, je suis en forme, j’ai retrouvé la confiance, le plaisir de jouer, je suis à six buts et huit passes décisives. On espère continuer sur cette lancée pour monter l’année prochaine en CFA… Le coach des pros, Michel Der Zakarian, il me parle souvent, il me dit que j’aurai ma chance, il faut juste que je continue à faire de bons entraînements que ça va venir tout seul.
Jusqu’à maintenant tout s’était très bien enchaîné pour toi et aujourd’hui tu te retrouves à devoir patienter, qu’est que ça fait de se retrouver dans cette position ?
Je pense que c’est un mal pour un bien ça me forge un caractère, ça me rend plus solide dans ma tête. J’ai eu ma chance à 16 ans, mais tout est allé trop vite je n’ai pas eu le temps de bien calculer, de bien me préparer, mais je ne regrette rien au contraire. Maintenant je sais qu’avec toute l’expérience de ces deux dernières années, je suis un homme plus solide. La prochaine fois que j’aurai ma chance je vais tout donner et la saisir. Je serai prêt quand le coach va me donner ma chance.
Dans un parcours comme le tien, il ne manque pas des sélections en Equipe de France jeune ?
Je n’ai eu que des présélections. Mais je pars du principe que tout se mérite, tout ce que j’ai eu auparavant, je le méritais. Si je n’ai pas été appelé en équipe De France, c’est que je ne le mérite pas pour le moment. C’est à moi de travailler encore plus pour pouvoir y aller, mais ce n’est pas une fin en soi, je ne suis pas focalisé sur ça. Il faut d’abord que je sois en forme avec mon club, ce qui est le cas avec la CFA pour le moment. Mon prochain objectif, c’est d’être un joueur appelé régulièrement en L1 et ensuite pourquoi pas l’équipe de France, mais pour le moment c’est encore loin.
Pour terminer, la même question qu’à tous les joueurs qui passent par KDP : quel serait ton conseil pour un jeune qui souhaite se lancer dans le monde du foot ?
Je lui dirai déjà d’être fort mentalement. S’il part en France, c’est qu’il a les qualités pour réussir donc il faut être fort mentalement parce qu’après il y aura forcément des périodes ou il y aura des coups de moins bien… C’est là qu’il faudra s’endurcir, ne pas lâcher, redoubler d’effort. Tout simplement de ne pas lâcher. De croire en soi, en ses rêves, tout est possible. Travailler, travailler, il n’y a que le travail qui paie, forcément un jour ou l’autre ce travail sera récompensé.
Merci Jérémie pour ta gentillesse et ta disponibilité, bonne fin de saison au MHSC !!