
J’ai rencontré Mathias Coureur il y a déjà quelques années. J’avais été surprise de découvrir ce « football-trotteur » martiniquais qui n’avait pas peur de s’éloigner de ses bases pour poursuivre ses rêves de foot toujours plus grands. Après quelques mois sans vous donner de ses nouvelles, je suis retournée discuter avec lui de son actualité toujours aussi passionnante.
Mathias la dernière fois qu’on a eu de tes nouvelles tu étais en Géorgie, que deviens-tu depuis ?
Et bien je ne suis pas resté longtemps en Géorgie, deux mois exactement. J’ai fait la préparation, j’ai aussi joué l’Europa League après avoir été éliminé de la Champions League. Mais ça ne se passait pas très bien niveau personnel et en plus, on n’était pas payé. J’ai réussi à partir avant que le mercato d’été ne se finisse. Je devais signer au CSK Sofia sauf que la semaine où je devais signer le coach démissionne après une défaite. Le club me fait patienter une semaine, après avoir discuté avec le nouveau coach, il me dit qu’il ne veut pas de moi dans l’effectif. Heureusement que je m’étais libéré avant la fin du mercato, un petit club de Bulgarie qui vient de monter en D1 me contacte et me dit qu’il voudrait de moi dans son effectif. Je suis ok à une condition : si au mercato d’hiver, j’ai une offre le club doit me laisser partir. Le club accepte en posant ses conditions : si je pars au mercato d’hiver je rembourse tous mes salaires ; en gros on se rendait mutuellement service. Au mercato d’hiver, j’ai eu un appel de Stoycho Madlenov, un coach bulgare très connu pour aller jouer au Kazakhstan (FC KAISAR KYZYLORDA). Tout était réuni pour que je signe, ça fait un an que j’y suis et j’ai même prolongé en novembre dernier, tout se passe bien.
Tu as encore une fois ajouté des kilomètres à ton compteur. Ça ne t’a pas fait peur de partir aussi loin ?
– Non je n’avais pas peur pour plusieurs raisons. En arrivant en Bulgarie, tous les joueurs que je côtoyais voulaient signer soit en Turquie, soit au Kazakhstan. Au début, je ne comprenais pas pourquoi ils voulaient signer là-bas, mais j’ai vite compris. En plus, c’est un coach bulgare qui m’a appelé et je fais beaucoup confiance aux Bulgares depuis ma première expérience là-bas. Sportivement, le projet n’était pas très ambitieux, mais restait correct (faire partie des six premiers). Financièrement, j’ai reçu une offre que je ne pouvais pas refuser, j’ai 30 ans, ça commence à rentrer en compte. Mon pote qui a joué là-bas Mamoutou COULIBALY m’a dit « fonce, la vie est un peu dure, mais tu vas kiffer » et voilà… J’ai prolongé mon contrat, c’est que je ne suis pas malheureux.

Qu’est qui fait que tu es à l’aise dans ton équipe et dans ce championnat ?
M : Déjà la façon de travailler du coach, j’ai sa confiance, celle du club. Ensuite, on a gardé à peu près la même équipe avec seulement quatre renforts et nous sommes plusieurs joueurs français. Mon cousin m’a rejoint cette saison, on peut dire que j’ai un peu joué l’agent pour son transfert, ce qui m’a aussi confirmé que le club avait confiance en moi. Toute ma carrière, j’ai fait des choix un peu précipités, trop avec le cœur. Maintenant je fais des choix un peu plus réfléchis, je me dis « je suis bien quelque part, je gagne bien ma vie, aller chercher un défi difficile à mon âge, c’est possible mais je préfère me sentir bien quelque part maintenant. »
Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, toi « le globetrotteur » du football, tu te vois dire non si un club en Europe ou un top club se présente ? Ou tu as encore cette fougue en toi qui pourrait faire que tu acceptes un défi de plus ?
Chaque club que j’ai fait et j’en ai fait beaucoup ; ça toujours été pour évoluer. Quand je suis parti de Nantes, c’était pour trouver un club où jouer. Je suis allé en D3 espagnol, j’ai joué. J’ai joué dans deux clubs où j’ai failli monter en D2. Ensuite, je voulais connaitre un autre niveau, donc je suis allé en Bulgarie pour jouer en D1. Là-bas j’ai pu gagner une coupe, j’ai pu jouer les tours préliminaires de l’Europa League. Après je suis partie en Géorgie, car le club avait le projet d’être dans un groupe d’Europa League ou Ligue des champions. À chaque fois que je suis parti, c’était pour évoluer donc si jamais il y a un meilleur club qui m’approche, je vais y réfléchir. Mais ce que je ne ferai plus c’est tout faire pour y aller comme j’ai pu faire auparavant. D’ailleurs j’ai récemment eu une approche des Los Angeles Galaxy, mais je n’ai pas forcé mon départ, j’avais envie d’y aller, mais ne pas y avoir été ne me rend pas triste. Il y a cinq ans, je n’aurai rien lâché pour pouvoir y aller. Si les deux clubs s’étaient mis d’accord, je serais peut-être parti, mais ça n’a pas été le cas.
Pour en revenir à la question, on verra d’ici à la fin de saison ce que j’aurai comme proposition.
Je sens vraiment un changement dans ta façon de voir les choses.
À mon âge, je n’ai plus envie d’aller quelque part pour prouver aux autres ce que je vaux. Je suis surtout dans le besoin de profiter et de me sentir bien. Être bien quelque part, profiter, kiffer, c’est aussi bien parce qu’avant je voulais beaucoup réaliser mes rêves et j’en ai réalisé beaucoup. Peut-être que je me précipitais un peu. Toute ma carrière j’aurais voulu me poser pendant trois, quatre ans dans un même club, mais à chaque fois, j’avais l’impression que je pouvais passer un palier. Plusieurs fois j’ai réussi à passer ces paliers, mais d’autres fois je suis allé trop vite et je suis redescendu

À 30 ans désormais et dans cet état d’esprit, est-ce que tu envisage une fin de carrière au Kazakhstan ?
– Non moi j’ai déjà dit et c’est quelque chose que certains ne vont pas comprendre, mais je ne vais pas faire comme tout le monde et dire « Dès que mon corps ne répondra plus j’arrêterai le foot ». Moi, j’’arrêterai quand le foot ne voudra plus de moi. J’aime trop le football pour dire je vais arrêter dans trois ans. Après finir au Kazakhstan pourquoi pas. Je gagne bien ma vie, je peux aider ma famille je me sens bien au club. Mais si je peux réaliser un petit kiff personnel, ce serait de finir en Bulgarie, à Varna, club où j’ai vécu mes meilleures années de foot.
Bon nombre de footballeurs préparent déjà l’après carrière, ce n’est pas difficile pour toi d’envisager cette étape vu ta perception des choses ?
J’y pense souvent mais je n’ai toujours pas de réponse à mes questions. Parce que le monde du foot, je ne sais pas si c’est fait pour moi, j’ai l’impression d’être trop gentil pour ce monde-là. J’ai l’impression que dans ce monde il faut être un peu « méchant » et ça ne me ressemble pas du tout.
Mais je réfléchis pour l’instant je ne sais pas, je me concentre sur cette saison même si je regarde beaucoup ce qui se passe autour de moi. Je regarde des documentaires, je lis des choses. J’ai un pote Mickael TOTI dans le basket qui est un exemple pour moi car c’est un super sportif et je pense qu’il a emmagasiné beaucoup de connaissances qui lui ont permis d’écrire des livres, créer des émissions, des évènements. Je trouve ça bien, pourquoi pas m’inspirer de lui avec tous mes voyages, les clubs que j’ai connus… C’est un bel exemple.
-Mathias, nous nous sommes éloignés du sujet de base qui était de prendre de tes nouvelles. Quels sont tes objectifs sur cette saison tant personnels que collectifs ?
Comme d’habitude pas d’objectif particulier si ce n’est être le meilleur possible. L’année dernière on n’a pas beaucoup marqué, mais j’ai mis six buts et terminé meilleur buteur de l’équipe, donc si je peux, ce serait de marquer plus de buts et passes décisives cette saison. Avec l’équipe on veut terminer parmi les cinq premiers. Puisque jusqu’à maintenant partout où je suis passé j’ai gagné quelque chose sauf au Kazakhstan, un autre objectif serait de gagner quelque chose ici aussi.