
Aujourd’hui, j’ai rencontré Patrick PERCIN. Rares sont les Martiniquais qui ne connaissent pas ce Trinitéen, Franciscain d’adoption, qui a fait et fait encore les belles heures du club Franciscain. Pour tous les autres et même ceux qui pensent le connaître, je vous propose de lire notre entretien afin d’en savoir un peu plus sur son parcours tout particulier.
Patrick, comment as débuté ton aventure avec le football ?
Je pense que j’ai commencé à jouer depuis le ventre de ma mère, je shootais déjà dans son ventre. Blague à part, j’ai dû commencer à l’âge de cinq ans à l’école de foot à la Gauloise, mais mon père étant entraîneur, mes oncles joueurs de foot, j’ai baigné dedans depuis tout petit.
Parle-nous de tes premiers pas en Hexagone ?
J’ai fait un premier essai à 15 ans à l’AJ Auxerre. J’ai été contacté directement par Guy Roux (célèbre entraineur de l’AJA) pour intégrer le centre de formation de l’AJA, car on lui avait parlé en bien de moi depuis la Martinique. Je suis donc parti pour Auxerre. J’y ai passé six mois. C’était beaucoup de football très peu d’études, je préparais un bac S, ce n’était pas évident. J’avais des amis, mais la plupart étaient déjà professionnel comme Bernard Diomède, Steve Marlet… J’ai également vu des jeunes comme Philip Mexes ou Djibril Cissé rentrer au centre de formation ; mais en vrai le pays me manquait, mes parents me manquaient, car j’étais un peu un “enfant gâté” donc je suis rentré en Martinique. J’ai réintégré le club de la Gauloise de Trinité, j’y suis resté une saison.
Que fais-tu après cette saison à la Gauloise ?
Je rejoins le Club Franciscain et j’y passe onze saisons, on allait souvent jouer en Coupe de France en métropole, j’ai été repéré par plusieurs clubs comme Saint-Étienne ou Amiens. À l’époque l’entraîneur d’Amiens était un martiniquais, donc j’ai choisi d’y aller. Arrivé là-bas, ils m’ont proposé de signer un contrat de deux ans, mais j’ai refusé. Je voulais signer un contrat d’un an pour voir comment ça se passait et peut-être choisir autre chose. Car très franchement je n’aime pas trop la métropole, je préfère la Martinique et je n’étais pas parti pour faire une carrière professionnelle, c’était juste pour voir comment c’était.
Pourtant, tes débuts en club se passent bien, c’est donc à partir de la deuxième partie de saison les choses changent ?
Oui, à partir de la deuxième moitié du championnat de L2*, on était 2ᵉ, l’entraîneur a vu qu’on pouvait accéder à la L1*, ce qui ne s’était jamais vu de toute l’histoire du club d’Amiens. Il a donc cherché un attaquant de métier, qui avait de l’expérience, à ce moment j’ai été relégué sur le banc des remplaçants. Franchement, j’étais bien, mes matchs, mes entrainements montraient que j’avais le niveau. Lorsque tu es dans ce milieu, le salaire qu’on touche, les conditions d’entrainement, c’est clair que ça fait un peu mal de ne pas jouer, mais les conditions sont super bonnes … Donc j’étais bien dans ma tête à la fin du mois, je gagnais bien ma vie. Je n’ai pas mal pris ma relégation sur le banc, j’étais bien entouré.
Tout cela t’a quand même donné envie de continuer l’aventure, pourquoi cela ne s’est pas fait ?
Je vais te dire, c’est simple, à 26 ans personne de ce monde-là n’a jamais signé de contrat professionnel, tu peux chercher, je pense que j’ai été le plus vieux à signer pro à cet âge, ils n’avaient jamais vu ça. Pour moi, c’était la dernière chance, donc j’ai signé, on m’avait proposé de signer deux ans, c’était peut-être un peu prétentieux de ma part à l’époque, mais je ne voulais pas rester à Amiens. Je voulais surtout être libre en fin de saison. J’avais un agent qui m’a dit que j’ai le niveau L1 que ce n’est pas la peine de signer deux ans comme ça l’année suivante on serait plus libre de pouvoir démarcher des clubs de L1. J’avais des amis comme Charles- Edouard Coridon ou Ludovic Clément qui étaient dans le milieu, ils m’avaient déconseillé de signer pour une seule saison, ils avaient déjà vu. Ils m’avaient dit qu’il fallait une année pour m’adapter, etc. Mais c’était trop tard j’avais déjà signé pour une seule année. À la fin de mon contrat, effectivement je voulais rester, mais l’entraîneur qui m’avait fait venir a été limogé donc ça a compliqué les choses et je n’ai pas été prolongé. Je n’ai pas voulu rentrer en Martinique tout de suite. J’ai cherché d’autre club, c’était des clubs de (niveau) National ou L2 mais moi je voulais absolument connaître la L1 et à cela s’ajoutait l’envie de rentrer chez moi qui a été plus forte.
À ce jour, est ce que tu as des regrets par rapport à tout ça ?
Aucun regret. Je suis heureux dans ma vie, j’ai un fils que j’aime, j’ai une compagne, je vis bien. Aucun regret, j’ai pris ce qu’il y avait à prendre. Financièrement, cela m’a aidé à accomplir certains projets, donc voilà aucun regret.
Et si l’occasion se représentait ?
Pour moi, ce serait trop tard, car j’ai déjà 38 ans, ce serait vraiment un rêve à 38 ans on me fait signer pro, je veux bien il n’y a pas de problème. (rires)
Joues-tu encore au foot à l’heure actuelle ?
Aujourd’hui j’évolue encore au Club Franciscain en division d’honneur, club avec lequel je vis de grands moments comme notre parcours en Coupe de France la saison dernière, ça fait toujours du bien de jouer dans de telles compétitions. En ce qui concerne la Sélection de Martinique je n’y figure plus, mais si jamais on fait appel à moi, c’est avec plaisir que j’y retournerai.
Prenons quelques instants pour évoquer ton “histoire” avec le Club Franciscain.
Je pense que c’est le club, non, c’est le club (car j’en ai quand même connu cinq) de mes premiers amours. C’est le club qui m’a révélé au grand public, car je suis parti de la Gauloise de Trinité pour le Club Franciscain. Si bien que beaucoup de personnes pensent que je suis Franciscain (de la commune du François) alors que je suis de Trinité. Le François est ma commune d’adoption, j’en suis à ma 14ᵉ année au Club Franciscain donc c’est un club avec qui j’ai gagné beaucoup de trophées, j’y ai connu beaucoup d’entraîneurs, plusieurs générations. Car oui, j’ai la chance d’avoir joué avec les anciens et maintenant la nouvelle génération, je connais tout de ce club, je l’ai vu évoluer.
Évoluer jusqu’à votre brillant parcours en Coupe de France la saison dernière, comment as-tu vécu cela ?
Pour moi, c’était une grande fierté d’emmener ce club-là en 32ᵉ de Finale de Coupe de France* (face au FC Nantes), ce qu’aucun autre club martiniquais n’avait fait. J’ai fait cela avec des joueurs que j’ai moi-même entraînés comme Stéphane Abaul, Jordy DELEM notre capitaine, les frères Maingé (Ilan et Djenael), c’était vraiment une grande fierté pour moi de les emmener au Stade de La Beaujoire. Je ne sais pas si un autre club martiniquais aura l’occasion de vivre ça, mais ce sont des moments que tous joueurs de football rêvent de vivre. Moi qui ai été pro, je n’ai jamais joué à l’Abeaujoir avec mon équipe, c’est une des plus belles pelouses de France, ce sont pour moi des moments inoubliables. C’était aussi une fierté de voir qu’il y avait 12 000 antillais qui sortaient de toutes la France pour venir voir le Club Franciscain, c’est une fierté d’avoir pu rassembler autant de monde pour notre cause. Ça été une belle réussite pour nous.
Pour conclure, avec ton vécu, si tu avais un conseil à donner à un jeune qui veut se lancer dans l’aventure, quel serait-il ?
Toujours croire en vous. Des fois on vous dira que vous êtes nuls, qu’en Martinique il n’y a pas de bons footballeurs, c’est pour vous tester, voir si vous êtes bons mentalement. Il faut surtout être bon psychologiquement, mentalement pour pouvoir réussir une carrière de joueur professionnel. Il faut toujours y croire, car moi j’ai signé mon contrat à 26 ans, personne ne l’avait jamais fait donc il faut croire en ses capacités. Pour moi, c’est le plus beau métier du monde, si c’était à refaire je serais parti à 16 ans ou 18 ans comme les Anelka ou Henry qui sont de ma génération et qui représentent aujourd’hui les Antilles. La meilleure chose est de partir jeune, mais si l’occasion ne se présente pas, il faut toujours y croire jusqu’à ce que ça arrive.
Merci beaucoup Patrick pour ta disponibilité, ta gentillesse et ta rapidité au moment de répondre à mes questions. En espérant te revoir très vite sur la scène nationale avec le Club Franciscain.
*L1: Ligue 1, première division de football professionnel
*L2: Ligue 2, deuxième division de football professionnel
*Coupe de France : compétition de football à élimination directe à laquelle peuvent participer les clubs amateurs et professionnels affiliés à la Fédération française de Football. Il y a treize tours avant d’accéder à la Finale, les clubs d’Outre-Mer comme le club Franciscain, rentrent au 7ᵉ tour.