Frantz-Manuel VULCAIN est un jeune martiniquais, plus précisément de Trinité, âgé de 23 ans. Il y a quelques années, Franz-Manuel a connu les joies et les déceptions du parcours qui mène à la vie de footballeur professionnel. Passé par la Gauloise, le Grenoble Foot 38 puis l’Aiglon, c’est avec beaucoup de lucidité et de recul qu’il m’a raconté son parcours.
– Frantz-Manuel, parles- nous de tes débuts dans le monde du foot ?
J’ai commencé le football à l’âge de 6 ans à la Gauloise, c’était suite à la victoire de l’équipe de France pendant la coupe de monde de 1998. Mais très vite Marcel GIBON ancien meneur de jeu Martiniquais m’a fait venir avec lui à L’US ROBERT, j’étais alors en benjamin et j’ai poursuivi dans ce club jusqu’à mon départ pour le centre de formation de Grenoble.
-Comment passes-tu de l’US-Robert au GF38 ?
J‘ai participé avec la sélection de Martinique dès 14 ans à la Coupe Nationale à Clairefontaine. J’ai fait un bon début de compétition et certains clubs de Ligue 1 me suivaient. Le reste de la compétition se déroulait de moins en moins bien, malgré tout Grenoble, qui m’avait repéré après un match contre la sélection Rhône-Alpes, m’informe de son intérêt. Ils me proposent alors de rester un an en Martinique au pôle (François) afin de m’aguerrir proche de ma famille et dans mon environnement avant de tenter l’expérience métropolitaine.
-Donc un an plus tard, tu t’envoles pour Grenoble.
Oui voilà, j’ai alors 15 ans, j’avais signé un contrat pour deux ans. Au début ce n’était pas facile, mais dans ma tête, je m’étais préparé pour cette étape, l’envie et le mental y étaient alors l’adaptation se passe pour le mieux. Je me retrouve avec un Martiniquais ce qui facilite d’autant plus l’adaptation. Dès mon arrivée le coach me met en confiance. Ma 1ʳᵉ année, je suis le joueur qui a le plus de temps de jeu de l’effectif, je joue au côté de Thauvin, Taider, Turan et autres…. Je vois qu’à ce niveau, c’est surtout la relation avec le coach qui fait si on progresse ou non. Malheureusement, je rate la fin de championnat suite à ma blessure.
-Comment se passe la vie au centre ?
Au centre de formation, on vivait tous en chambre de deux, la première année, je me retrouve avec Yannick Vieuvel, un autre martiniquais, tout de suite on s’entraide et la vie en centre devient plus facile. On était comme deux frères. Le soir on restait dans notre chambre à écouter de la musique ou regarder des films, on n’avait pas beaucoup de temps libre, mais c’était plaisant. Ensuite la deuxième année malheureusement Yannick quitte le centre de formation, et moi je me retrouve en appartement à 17 ans avec un bac ES à préparer.
-Pourquoi avoir quitté le centre aussi tôt ?
J’étais déjà assez autonome et une nouvelle génération arrivait au centre donc il m’a été proposé de prendre mon appartement afin de m’émanciper un peu plus. Cette prise d’indépendance totale a été brutale. Mon hygiène de vie à changer. À 17 ans, j’ai dû vivre comme les joueurs de CFA (20 ans 21 ans). Sauf qu’en parallèle, j’ai voulu avoir mon bac, c’est à ce moment-là que tout a commencé à changer, le petit brin de chance comme on dit n’y était plus.
– Au final, pourquoi l’aventure s’est-elle arrêtée ?
À Grenoble à la fin de ma première année, je connais ma 1ʳᵉ blessure, rupture des ligaments croisés et fracture au niveau de la cheville. Je suis éloigné des terrains pendant 6 mois. J’effectue ma rééducation entre la France et la Martinique, je m’entraîne seul avec mon préparateur physique. Je reviens à la compétition en décembre, je reprends bien je fais même une apparition en CFA juste avant les vacances de noël. À mon retour de vacances, je déclenche une pubalgie (douleur ressentie au niveau de la région pubienne), tout de suite j’ai su que c’était la fin pour moi à Grenoble. Malgré tout je me bats et je me lance un dernier défi revenir avant la fin de saison et montrer ce que je vaux sur un terrain. Pari réussi mais il est trop tard, la décision était déjà prise de ne pas me conserver.
-Que se passe-t-il pour toi après avoir quitté le GF38 ?
J’ai eu une proposition de contrat au Tours FC avec la réserve des pros, mais l’envie du circuit pro n’y était plus. Je venais de rentrer en Martinique avec un objectif : être dans le groupe pour la phase finale de la Digicel Cup qui se déroulait en Martinique en 2012 et ainsi être le plus jeune sélectionné du groupe, chose qui s’est produite. J’avais à ce moment le choix entre la sécurité (les études et la sélection) ou l’aventure en tout sacrifiant pour voir jusqu’où le football pouvait me mener. Mon choix a été fait et aujourd’hui malgré tout je ne regrette rien de tout cela.
. -Comment as-tu vécu la fin de cette aventure ?
Je l’ai assez bien pris, ces blessures sont venues au mauvais moment. Je n’y pouvais rien. J’ai connu des moments difficiles, mais ils m’ont forgé dans ma vie et je ne tire que du positif de cette expérience. Je sais qu’au fond ce n’est pas à cause de mon niveau que je ne suis pas arrivé mais plus à cause de la chance et des aléas de la vie. Je me dis que si j’ai été blessé à ce moment précis c’est qu’il y avait bien une raison.
Une petite anecdote : quand mes coachs m’ont annoncé la nouvelle, j’ai un petit sourire en coin, ils demandaient pourquoi ça ne m’affectait pas. J’ai juste répondu que depuis janvier je savais et que je trouvais dommage qu’il ne m’en informe que fin mai. Uniquement pour m’empêcher d’effectuer des essais ailleurs.
-Si l’occasion se représentait, est-ce que tu serais prêt à le refaire ?
Oui car quoi qu’il arrive ce genre d’aventure n’est que bénéfique, qu’on y arrive ou pas, c’est une bonne école de la vie. On apprend à être autonome très vite.
-Aujourd’hui où en es-tu sportivement ?
Aujourd’hui par rapport à mes études, je n’ai pas pu continuer en club, je faisais le “swé » (match de football entre amis) avec des copains en région parisienne. Vu que je finis bientôt mes études, je songe de plus en plus à reprendre en club d’ici à la rentrée.
-Un message pour des jeunes qui se lancent dans l’aventure ?
Ne jamais croire qu’en rentrant dans un centre de formation, le chemin est tout tracé, au contraire. Surtout croire en soi, quand on entre dans ce milieu on est tous sur le même pied d’égalité on a sensiblement tous le même niveau, la différence se fait au niveau du mental, du brin de chance et de la volonté. Allez au bout de vous-même pour y arriver même si ce n’est pas facile.
Merci Frantz-Manuel de nous avoir fait part de ton expérience, bonne continuation et bon courage pour la fin de tes études.